La conformité comme outil de protection

L’éclatement de scandales financiers à la fin des années 90 et au début des années 2000 ainsi que l’avènement de crises financières ont eu pour effet d’accroître la surveillance des régulateurs et organismes d’encadrement du secteur financier en plus de mener à l’adoption de lois et règlements additionnels.

La mise en place de processus et procédures pour assurer la conformité aux lois et règlements, en plus d’un système de surveillance efficace au sein des entreprises œuvrant dans le secteur financier, est dorénavant incontournable.

Ceux qui n’auront pas assuré la conformité au sein de leur société, ou qui auront négligé de le faire, s’exposeront non seulement à des condamnations importantes en cas de recours d’investisseurs mais également à des sanctions par les organismes d’encadrement.

Il peut en effet arriver qu’un même événement mène à la fois à une condamnation civile par les tribunaux, à une condamnation disciplinaire par un organisme d’autoréglementation ainsi qu’à une suspension du droit de pratique auprès du régulateur.

Bien que certains puissent voir la conformité comme un coût financier important, elle peut également se révéler être un outil de protection en cas de poursuite civile pour les intermédiaires financiers qui sauront en tirer profit.

À ce titre, la jurisprudence nous en fournit quelques exemples…

Bien connaître son client

L’obligation de bien connaître son client s’inscrit dans le devoir de compétence et de professionnalisme dont doit faire preuve tout intermédiaire financier.

Une bonne connaissance de son client dote le professionnel des outils nécessaires pour le conseiller adéquatement.

La Cour d’appel du Québec rappelait le rôle-clé de cette obligation dans la relation d’affaires existante entre l’intermédiaire et son client :

« Le fait de connaître son client permet au courtier de le jauger correctement et ainsi établir les besoins, les objectifs du client, le niveau d’encadrement requis et ses besoins au chapitre de l’information et du conseil. »1

S’agissant d’une obligation évolutive et campée sur la réalité de la relation entre l’intermédiaire et son client, celui-ci devrait tirer avantage d’une consignation par écrit des informations que lui transmet son client, de celles que lui-même lui fournit ainsi que de toute mise en garde qu’il formule.

Non seulement l’intermédiaire respecte alors ses obligations réglementaires, mais il sera doté d’un dossier étoffé en cas de poursuite. Il pourra alors justifier chacune de ses interventions de façon contemporaine et jouir d’une meilleure crédibilité.

Respectez les objectifs de vos clients

L’obligation de bien connaître son client a comme corollaire que vous devez lui conseiller des produits qui correspondent à son profil.

Ceci dit, il arrive fréquemment qu’un investisseur ait entendu parler d’un produit qui ne lui convient pas ou que vous ne connaissez pas.

Dans ce cas, prenez le temps de vous informer sur le produit et, si le produit ne convient pas à l’investisseur, expliquez-lui pourquoi vous ne le lui recommandez pas.

Si le client insiste tout de même pour acquérir le produit, consignez votre mise en garde par écrit et faites signer le client, car, en cas de difficultés, vous risquez d’écoper. Les tribunaux ont parfois imposé à l’intermédiaire financier l’obligation de protéger les investisseurs contre eux-mêmes2.

Informez et éduquez votre client

« […] donné par un profane à un initié, tout mandat est générateur d’un devoir de conseil […] L’intensité du devoir de conseil sera d’autant plus importante que les connaissances du client en matière d’investissement sont faibles. »3

Votre obligation de conseil, et donc votre responsabilité, est directement proportionnelle au degré de connaissance de votre client.

La plupart des intermédiaires financiers vont transmettre beaucoup d’informations à leurs clients. Ceci dit, tous ne prennent pas le temps de franchir l’étape additionnelle qui leur permet de se protéger adéquatement, c’est-à-dire noter au dossier les informations qui sont transmises.

Par ailleurs, face à un client qui n’est pas intéressé par l’information que vous voulez lui transmettre, n’hésitez pas à lui laisser des documents et à l’inviter à en prendre connaissance. N’oubliez pas de noter les documents que vous lui remettez!

Enfin, n’hésitez pas à réunir vos clients en groupe afin de donner des formations sur des produits que vous proposez. Non seulement vous renforcerez vos liens avec vos clients en plus de contribuer à leur éducation, mais vous contribuez en plus à votre protection. N’oubliez pas cependant de noter les présences!

Ainsi, au fil de la relation d’affaires, l’ampleur de l’obligation d’information et de renseignement qui pèse sur l’intermédiaire deviendra inversement proportionnelle au niveau de connaissances que détient le client.

Une décision très récente de la Cour d’appel vient confirmer que non seulement l’intermédiaire financier a des obligations, mais les investisseurs doivent s’appliquer à prendre connaissance des informations transmises par l’intermédiaire financier et ne peuvent prétendre l’ignorance s’ils ne se sont pas donné la peine d’en prendre connaissance4.


1 Richter & Associés inc. c. Merrill Lynch Canada inc., 2007 QCCA 124.
2 Roy c. Financière Banque Nationale inc., 2007 QCCS 6068.
3 Laflamme c. Prudentiel-Bache Commodities Canada Ltd, [2000] 1 R.C.S. 638, par. 34.
4 Immeubles Jacques Robitaille inc. c. Financière Banque Nationale, 200-09-006658-097 (C.A. 24 octobre 2011).

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