Droit de la construction : dur jugement pour la plus-value et les entrepreneurs

Le 3 juin dernier, la Cour supérieure a rendu un jugement publié le 3 juillet, dans l’affaire Distribution Couche-Tard c. Constructions Loracon inc., 2015 QCCS 2775, qui applique une vision restrictive de la plus-value et une vision large de la responsabilité des entrepreneurs en construction. Ce jugement n’a pas été porté en appel. 

En résumé, des erreurs dans les plans et devis de l’ingénieur et l’utilisation d’un matériau granulaire non conforme ont causé la perte d’un stationnement qui a dû être reconstruit sept ans plus tard. La Cour applique le régime de la responsabilité quinquennale en l’espèce (art. 2118 C.c.Q.). 

En ce qui concerne la responsabilité de l’entrepreneur général, la Cour supérieure retient que l’entrepreneur aurait dû remettre en question la conformité de l’addenda de l’ingénieur (paragr. 118). Il aurait dû relever l’erreur de l’ingénieur, mais le jugement n’est pas très explicite sur celle-ci. Il semble s’agir d’une contradiction dans le devis qui, d’une part, imposait le respect des normes du ministère des Transports et, d’autre part, spécifiait un granulat non conforme à ces normes. Par ailleurs, la Cour rappelle le principe bien établi selon lequel l’entrepreneur général ne peut se plaindre d’avoir été mal surveillé par l’ingénieur. Or, en l’espèce, l’ingénieur avait un mandat de surveillance en résidence et un laboratoire de contrôle des matériaux sur place. Il semble ne jamais avoir réalisé que le granulat qu’il avait spécifié n’était pas conforme et avoir toujours validé les travaux de l’entrepreneur. En conclusion, il est très difficile pour un entrepreneur de se soustraire à la responsabilité quinquennale de l’art. 2118 C.c.Q. En effet, l’art. 2119 C.c.Q. ne prévoit qu’un seul moyen de défense pour lui : « L’entrepreneur n’en sera dégagé qu’en prouvant que ces vices résultent d’une erreur ou d’un défaut dans les expertises ou les plans de l’architecte ou de l’ingénieur choisi par le client » (art. 2119 C.c.Q.). En l’espèce, il semble que ce soit la faute de l’entrepreneur de ne pas avoir relevé celle de l’ingénieur qui mène à sa condamnation. Ayant commis cette faute, il est responsable solidairement avec l’ingénieur. Au final, entre les défendeurs, l’entrepreneur général est jugé responsable pour 15 % des dommages et l’ingénieur pour 85 %. 

En ce qui concerne maintenant la plus-value, la Cour n’en a reconnu aucune. Pourtant, lors de la reconstruction du stationnement, des travaux ont été ajoutés afin de rendre l’ouvrage conforme aux normes et règles de l’art, tels qu’un nouveau système de drainage périphérique, du remblai supplémentaire pour combler les nouvelles profondeurs d’excavation, une nouvelle membrane géotextile, des épaisseurs plus grande de la chaussée, etc. Le rejet de la notion de plus-value est justifié par le principe de la « réparation intégrale » dans le jugement (paragr. 151). La Cour ajoute ce qui suit : « les travaux correctifs, qui visent à rendre l’ouvrage conforme à ce qu’il aurait dû être, si les normes ou les obligations contractuelles avaient été respectées, ne doivent pas être considérés comme y apportant une plus value » (paragr. 152). Certes, cet énoncé complète en quelque sorte l’obligation de résultat communément appliquée en droit de la construction, mais il peut conduire à un enrichissement du donneur d’ouvrage. Par ailleurs, dans cette affaire, la Cour a quand même retenu le principe de dépréciation dans la mesure où le stationnement a eu une vie utile de sept ans sur les 20 normalement reconnus.

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