Démystifier les obligations du promoteur immobilier

Le promoteur immobilier assume un rôle clé dans les différents projets de construction voyant le jour, notamment en raison de sa connaissance de la demande, des moyens de financement, des espaces fonciers intéressants ainsi que des aspects réglementaires. Souvent à l’origine de l’offre nouvelle en immobilier, il se définit comme étant une personne physique ou morale qui non seulement développe un concept ou élabore un projet immobilier, mais aussi veille à promouvoir sa mise en marché et sa réalisation1

Le Code civil du Québec lui faisant porter un double chapeau, soit celui de vendeur et d’entrepreneur, plusieurs obligations incombent au promoteur immobilier et nous en traiterons dans un premier temps. Bien qu’il ait la latitude de déléguer les opérations propres à la vente de ses projets, nous aborderons, dans un deuxième temps, la possibilité d’engager la responsabilité du promoteur lorsqu’il procède à la vente de ses immeubles via une société intermédiaire. 

Les obligations du promoteur immobilier 

Le promoteur qui vend un immeuble qu’il a construit ou fait construire est d’abord tenu aux garanties légales du vendeur. Ainsi, il doit s’assurer de délivrer à l’acheteur un bien libre de toute charge et exempt de vices cachés.2 Puisque le promoteur est alors considéré comme un vendeur professionnel, la présomption qu’il connaissait les vices affectant l’immeuble au moment de la vente joue contre lui, simplifiant par le fait même le fardeau de preuve de l’acheteur à cet égard3

Des formalités supplémentaires s’imposent également lorsque le promoteur procède à la vente d’un immeuble à usage d’habitation, qu’il soit neuf, rénové ou transformé. En effet, la vente doit obligatoirement être précédée d’un contrat préliminaire dont le contenu est prévu par la loi4 et par lequel l’acheteur s’engage à acheter l’immeuble, tout en ayant la possibilité de se dédire de cette promesse5

En outre, une note d’information doit être remise à l’acheteur lorsque le promoteur vend une unité de condominium d’un immeuble en contenant dix ou plus6. Mentionnons aussi que certaines dispositions du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs7 et de la Loi sur la Régie du logement8 complètent le régime juridique propre aux bâtiments résidentiels prévu par le Code civil du Québec

Par ailleurs, outre ses obligations découlant du contrat de vente, le promoteur immobilier est aussi assujetti aux règles relatives au contrat d’entreprise, d’une part lorsqu’il vend un immeuble à usage d’habitation bâti ou à bâtir9 et, d’autre part, lorsqu’il vend tout autre type d’immeubles qu’il a construits ou fait construire10. L’assimilation du statut du promoteur à celui d’entrepreneur est avantageuse pour le propriétaire et les acquéreurs subséquents de l’immeuble, puisque le promoteur immobilier sera tenu aux mêmes garanties légales qui incombent à l’entrepreneur, dont la présomption de responsabilité en cas de perte totale ou partielle de l’ouvrage qui survient dans les cinq (5) ans de la fin des travaux découlant d’un vice de conception, d’un vice de construction ou d’un vice du sol. 

De plus, tout comme l’entrepreneur, le promoteur est tenu à la garantie d’un (1) an contre les malfaçons11. Il importe toutefois de souligner que cette garantie légale peut faire l’objet d’une exclusion contractuelle par les parties, celle-ci n’étant pas d’ordre public, contrairement à la garantie contre la perte de l’ouvrage de l’article 2118 C.c.Q. 

Qu’en est-il du promoteur immobilier qui ne vend pas?

Le cadre juridique précédemment exposé permet d’engager la responsabilité d’un promoteur immobilier lorsque celui-ci procède à la vente des immeubles qu’il construit ou fait construire. Cependant, qu’en est-il de la responsabilité d’un promoteur qui fait la promotion de ses projets, mais qui procède à la vente via une autre société qu’il crée, par exemple, pour les fins d’un projet particulier12?

Dans cette éventualité, est-il possible de rechercher la responsabilité des deux entreprises, non seulement de celle qui vend mais également de celle qui chapeaute la promotion du projet? Bien que la jurisprudence ne réponde pas directement à cette question, nous croyons que la levée du voile corporatif pourrait, dans certaines circonstances, permettre de faire abstraction de la personnalité juridique distincte du promoteur immobilier et d’engager à la fois sa responsabilité ainsi que celle de la société en charge de la vente.

Pour réussir dans son recours, l’acheteur devra démontrer que l’entité qui a agi comme vendeur constitue l’alter ego de la société qui est promoteur du projet, faisant en sorte que les deux entreprises sont intimement liées. Plusieurs indices permettent d’arriver à une telle conclusion : les mêmes actionnaires et administrateurs œuvrent au sein des deux entreprises, celles-ci partagent les mêmes locaux, le même personnel, voire la même ligne téléphonique, les bénéfices sont considérés comme ceux de la société mère, cette dernière se comporte comme le cerveau dirigeant de l’initiative commerciale, etc. Autrement dit, la société responsable de la construction de l’immeuble doit exercer un contrôle considérable sur celle qui opère la vente.

Bien que la notion d’alter ego demeure primordiale, elle ne permet pas à elle seule de soulever le voile corporatif. Pour y arriver, l’acheteur devra faire la preuve d’un abus de droit, d’une fraude ou d’une contravention à une règle d’ordre public, en plus de démontrer que l’entreprise agissant en tant qu’alter ego a été utilisée spécifiquement dans le but de masquer cette conduite fautive13 et de soustraire le promoteur à ses obligations.

Quoi qu’il en soit, il reviendra aux tribunaux de se prononcer sur la possibilité de retenir la responsabilité d’un promoteur immobilier qui ne procède pas lui-même à la vente. À la lumière de ce qui précède, nous ne croyons pas qu’un promoteur immobilier puisse se réfugier sous le voile corporatif pour ainsi fuir ses obligations légales.

Les auteures souhaitent remercier Élisabeth Lachance, avocate, pour sa contribution à la rédaction de cet article.


1 Pierre-Gabriel Jobin, « Précis sur la vente » dans Barreau du Québec, La Réforme du Code civil, t. 2, Québec, Presses de l’Université Laval, 1993 à la p. 547, tel que cité par Silva c. Poirier, JE 2002-1276 (C.Q.), paragr. 36.
2 Voir art. 1717 à 1731 C.c.Q.
3 Art. 1729 C.c.Q.
4 Art. 1786 C.c.Q.
5 Art. 1785 C.c.Q.
6 Art. 1787 et 1788 C.c.Q.
7 RLRQ c B-1.1, r 8.
8 RLRQ c R-8.1, art. 51 et suiv.
9 Art. 1794 C.c.Q.
10 Art. 2124 C.c.Q.
11 Art. 2120 C.c.Q.
12 Voir quelques cas d’application : Syndicat de la propriété Les Îlots du Havre 1817 c. Rouillard, 2017 QCCS 1138; Ediriv c. Delvigne, 2008 QCCS 865.
13 Art. 317 C.c.Q.