Appels d’offres : la notion de travaux connexes dans la détermination des licences requises

Lorsqu’un entrepreneur est appelé à déposer une soumission dans le cadre d’un appel d’offres, il doit évidemment s’assurer de détenir toutes les catégories de licences requises aux fins du contrat projeté.

Généralement, les documents d’appels d’offres n’énoncent pas les numéros des licences requises, s’en remettant aux soumissionnaires pour effectuer cet exercice.

Le donneur d’ouvrage exigera toutefois une déclaration du soumissionnaire indiquant qu’il détient toutes les licences requises et qu’il est conforme à la législation en vigueur.

Pour déterminer quelles licences sont requises, le soumissionnaire doit déterminer l’objet principal de l’appel d’offres, c’est-à-dire la nature des travaux projetés.

Dans certains cas, le soumissionnaire doit se questionner à savoir si l’une des licences qu’il détient lui permettrait d’effectuer des travaux connexes, ou encore s’il risque d’être disqualifié ou de s’exposer à des recours en cas d’adjudication.

 

La notion de « travaux connexes »

La Cour d’appel du Québec s’est récemment prononcée, à deux reprises, sur la notion de « travaux connexes », qui permet au détenteur d’une catégorie de licence de se qualifier pour l’exécution de travaux relevant d’une autre catégorie1, procédant ainsi à interpréter l’article 11 du Règlement sur la qualification professionnelle des entrepreneurs et des constructeurs-propriétaires (le « règlement »)2.  

La cour conclut que « […] les travaux connexes sont ceux qui sont sous-jacents aux travaux principaux ou, du moins, qui sont requis pour assurer ou accroître leur fonctionnalité, qualité ou pérennité […] »3, et précise également que « la notion de « travaux similaires ou connexes » se veut souple afin de permettre aux entrepreneurs de faire exécuter les travaux qui présentent un lien étroit avec ceux compris dans leur sous-catégorie de licence »4. La notion de travaux connexes se doit d’être appliquée avec souplesse, et chaque cas est un cas d’espèce.

De plus, le simple fait que les travaux soient visés par un seul et même contrat ne permet pas de conclure qu’ils sont connexes pour autant.

 

Quelques exemples d’application

Voici quelques exemples pratiques où les tribunaux ont statué sur la connexité de certains travaux :

  • Dans la décision Action Progex inc. c. Société québécoise des infrastructures5, la Cour supérieure conclut que les travaux d’ancrage au roc, de forage du puits d’ascenseur et de mise en place d’une gaine ayant pour but d’empêcher que du roc friable ne tombe dans le puits ne sont ni connexes ni similaires à ceux de la préparation du fond d’excavation. Le juge indique que « la notion de connexité n’obéit pas à un critère de proximité physique ou de commodité ni à une logique séquentielle »6.
  • Dans l’arrêt Paradis Aménagement urbain inc. Construction de défense Canada (1951) Limité7, la Cour d’appel a indiqué que les travaux de raccordement aux conduites municipales, la construction de ponceaux et le déplacement d’une borne-fontaine située dans l’emprise de la rue constituaient des travaux connexes à l’objet du contrat, à savoir le drainage adéquat des cours arrière des logements ainsi que la construction ou la réfection de cabanons.
  • Dans la décision Ville de Québec Paradis Aménagement urbain inc.8, la Cour d’appel conclut que les travaux d’électricité requis pour le raccordement des bornes rétractables installées à l’extérieur du bâtiment étaient connexes à l’installation desdites bornes. Les travaux pouvaient donc être sous-traités par l’entrepreneur détenant la licence 1.4 à un électricien détenant la licence 16.
  • Dans l’arrêt Directrice des poursuites criminelles et pénales Climatisation BS inc.9, la Cour d’appel a reconnu qu’un entrepreneur spécialisé en ventilation et en réfrigération pouvait sous-traiter à un électricien les travaux d’électricité visant le remplacement des panneaux de distribution électrique requis dans le cadre de l’installation de thermopompes.
  • Dans l’affaire E. Pageau inc. c. Société des établissements de plein air du Québec10, la Cour supérieure conclut que les travaux d’installation d’un nouveau système de contrôle d’accès et de paiement (guérite) n’étaient pas connexes à la construction de trois bâtiments étant donné qu’il s’agissait de deux ouvrages distincts et indépendants.

 

Ce qu’il faut retenir

La détermination des licences requises est une question mixte de fait et de droit, et chaque dossier est un cas d’espèce. Lorsque les documents d’appels d’offres ne précisent pas les licences requises, il est primordial de bien cerner l’objet du contrat afin de les identifier.

Parmi les outils dont dispose le donneur d’ouvrage ou le soumissionnaire, il est utile de se référer aux descriptions prévues au règlement ainsi qu’aux explications fournies par la Régie du bâtiment du Québec dans son Guide d’application des annexes I, II et III du règlement.

De plus, il demeure possible de poser directement la question à la Régie du bâtiment via une demande d’interprétation réglementaire. Cependant, il est essentiel que les prémisses qui lui sont soumises soient exactes. Il faut toutefois souligner que les tribunaux ne sont pas liés par les réponses émises par la Régie du bâtiment du Québec, bien qu’ils les considèrent généralement.

Nous suggérons finalement, en cas de doute, de consulter des avocats spécialisés ou encore, selon la nature du problème, des consultants techniques qualifiés.

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1 Ville de Québec c. Paradis Aménagement urbain inc., 2023 QCCA 63 et Paradis Aménagement urbain inc. c. Construction de défense Canada (1951) limitée, 2023 QCCA 248.
2 RLRQ, c. B-1.1, r.9.
3 Ville de Québec c. Paradis Aménagement urbain inc., 2023 QCCA 63, para. 35.
4 Ibid., para. 34.
5 Action Progex inc. c. Société québécoise des infrastructures, 2023 QCCS 998 (Une demande de permission d’en appeler a été accueillie le 16 juin 2023).
6 Ibid., para. 48.
7 Paradis Aménagement Urbain inc. c. Construction de défense Canada (1951) limitée, 2023 QCCA 248.
8 Ville de Québec c. Paradis aménagement urbain inc., 2023 QCCA 63.
9 Directrice des poursuites criminelles et pénales c. Climatisation BS inc., 2018 QCCA 2224.
10 P.E. Pageau inc. c. Société des établissements de plein air du Québec, 2019 QCCS 3938.

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