Le 2 décembre 2025, le ministre de la Justice du Québec a présenté à l’Assemblée nationale le projet de loi no 10, Loi protégeant les consommateurs contre les pratiques abusives de revente de billets et de renouvellement d’abonnements en ligne (le « Projet de loi »), apportant différentes modifications à la Loi sur la protection du consommateur (la « Lpc »). L’objectif du Projet de loi est de protéger davantage les consommateurs en certaines matières, de même que de s’assurer que ceux-ci ont accès à une information plus claire.
Le Projet de loi a principalement fait la manchette en raison de ses nouvelles exigences relatives à la revente de billets et l’encadrement de ce segment du domaine du divertissement. Le Projet de loi a toutefois une portée plus large et touche plusieurs aspects relatifs aux obligations des commerçants dans différents contextes.
La date d’entrée en vigueur du Projet de loi et des modifications corrélatives à la Lpc et au Règlement d’application de la Loi sur la protection du consommateur n’est présentement pas connue. Certaines dispositions pourraient par ailleurs entrer en vigueur de façon progressive afin de permettre aux commerçants de s’ajuster à leurs nouvelles obligations.
Principales modifications proposées à la Lpc
1. Le « bouton de résiliation » d’un contrat à exécution successive conclu en ligne
Le nouvel article proposé 187.28 prévoit que le commerçant qui conclut en ligne un contrat à exécution successive que le consommateur peut résilier sans motif doit mettre à la disposition de celui-ci un bouton accessible en ligne et facilement repérable qui lui permettera d’exercer aisément ce droit de résiliation.
Cet article, dans sa rédaction, ne crée aucune distinction quant au type de contrat à exécution successive conclu en ligne, ou à la nature des produits ou services qu’il peut viser.
Dans la mesure où, en droit de la consommation, et en droit civil en général, le consommateur ou le client peut généralement résilier un contrat sans motif (sous réserve des conséquences contractuelles et légales pouvant en découler), nombre de commerçants sont susceptibles d’être assujettis à cette disposition et d’être contraints de revoir leurs pratiques pour prévoir un « bouton de résiliation » sur leurs plateformes technologiques.
2. L’avis de renouvellement à un prix différent
Le nouvel article proposé 187.29 prévoit que lorsqu’un consommateur a conclu un contrat à exécution successive qui prévoit qu’un bien ou un service est fourni gratuitement ou à un prix réduit pendant une période déterminée et qu’à l’expiration de cette période il sera fourni à un prix supérieur, le commerçant doit transmettre à celui-ci un avis écrit rédigé clairement et lisiblement indiquant la date de fin de cette période et le prix qui sera applicable à compter de cette date.
Le délai de transmission d’un tel avis serait de 2 à 10 jours avant la fin de la période pendant laquelle le bien ou le service est fourni gratuitement ou à un prix réduit, selon les modifications proposées au Règlement d’application de la Loi sur la protection du consommateur dans le Projet de loi.
L’article 230 c) de la Lpc interdit déjà d’exiger du consommateur à qui un service ou un bien a été fourni gratuitement ou à un prix réduit pendant une période déterminée un avis au terme de cette période indiquant qu’il ne souhaite pas obtenir ce service ou ce bien au prix courant. L’article 230 c) de la Lpc fait déjà l’objet d’une interprétation jurisprudentielle suivant laquelle l’existence d’une tarification promotionnelle pendant une certaine période dans le cadre d’un contrat d’une plus grande portée temporelle n’entraîne pas une violation de la Lpc.
La portée et l’application du nouvel article proposé 187.29 seront vraisemblablement tributaires de la nature, des modalités et de la durée du contrat en cause, et s’il est à durée déterminée ou indéterminée.
3. La divulgation des montants des frais payés par versements périodiques pour un service à exécution successive fourni à distance
Le nouvel article proposé 214.1.1, inclus dans la section de la Lpc visant spécifiquement les « contrats à exécution successive de service fourni à distance », prévoit que le commerçant qui annonce le montant des versements périodiques à effectuer pour l’obtention d’un service à exécution successive fourni à distance doit indiquer clairement et lisiblement, à côté de ce montant, le montant des frais exigés sur une base autre que périodique pour obtenir le service.
Dans sa rédaction, le nouvel article proposé 214.1.1 semble spécifiquement viser le paiement de services fournis à distance exécutés successivement, et non pas le paiement d’un bien dans le cadre d’un tel contrat.
Ce nouvel article est aussi silencieux quant à la base temporelle pour l’indication d’une valeur des services autres que la fréquence des versements périodiques prévue par le contrat. À sa face même, ce nouvel article apparaît destiné à créer des difficultés dans le cadre de contrats à exécution successive de service fourni à distance à durée indéterminée.
4. L’encadrement de la revente de billets
Élément phare du Projet de loi, l’encadrement de la revente de billets prévoit l’instauration des nouvelles mesures suivantes :
- Le nouvel article proposé 236.0.1 prévoit que quiconque exploite une plateforme numérique dédiée à la revente de billets de spectacle doit, dès que le consommateur accède à la plateforme, informer celui-ci de manière évidente et intelligible qu’il s’agit d’une plateforme de revente de billets de spectacle et que des billets peuvent être disponibles à un prix inférieur auprès du vendeur autorisé par le producteur du spectacle. Également, lorsqu’une plateforme numérique offre à la fois des billets en vente et en revente, le consommateur doit être informé au même moment et de la même manière que certains billets disponibles sur la plateforme sont des billets en revente. Cette disposition ne précise toutefois pas la façon dont l’usager de la plateforme devra être informé.
- Le nouvel article proposé 236.1 prévoit que nul ne peut revendre un billet de spectacle à un consommateur sans préalablement avoir porté expressément à sa connaissance différents renseignements, incluant l’identité du vendeur autorisé par le producteur du spectacle, la possibilité que des billets soient disponibles auprès de ce vendeur et le prix annoncé, le fait que le billet fait l’objet d’une revente, la place ou le siège en cause, ainsi que le nom du dernier propriétaire du billet. Cette dernière modalité pourrait soulever différentes préoccupations en regard de la protection et du partage de renseignements personnels, qui devra être encadré. Ce nouvel article prévoit également que le prix exigé pour la revente d’un billet de spectacle ne peut être supérieur à celui annoncé par le vendeur autorisé sans avoir obtenu le consentement du producteur au préalable pour l’opération, que la revente est conforme avec l’entente intervenue avec le producteur du spectacle et que le prix maximal autorisé par ce dernier a été porté à la connaissance du consommateur. À titre de rappel, la Lpc définit déjà la notion de « billet de spectacle » comme tout document ou instrument dont la présentation donne le droit à son détenteur d’être admis à un spectacle, à un événement sportif, à un événement culturel, à une exposition ou à tout autre divertissement de quelque nature que ce soit.
- Finalement, les nouveaux articles proposés 236.2.1, 236.2.2, 236.5 et 236.6 prévoient de nouvelles obligations en regard de la diffusion d’information lors de l’annulation d’un spectacle ou de modifications de son horaire ou de son lieu, de l’interdiction d’exiger des frais pour le transfert d’un billet de spectacle, ainsi que d’une présomption de revente de billet pour les opérateurs de plateformes de revente de billets entre tiers.
5. Une nouvelle obligation de restitution
Finalement, le Projet de loi instaure le nouvel article proposé 272.1, qui prévoit, sans préjudice des droits et des recours du consommateur en vertu de l’article 272 de la Lpc, que le commerçant qui manque à une obligation de ne pas exiger une somme d’un consommateur en vertu de la Lpc, d’un règlement ou d’un engagement volontaire, doit restituer cette somme au consommateur, et ce, sans égard à toute prestation fournie en contrepartie.
La portée de ce nouvel article n’est pas limitée aux nouvelles dispositions introduites par le Projet de loi et peut conceptuellement viser toute violation à la Lpc ayant résulté en un paiement par le consommateur que le commerçant ne pouvait pas exiger, pour une raison ou une autre.
Cette disposition, introduite dans le chapitre des recours civils de la Lpc, apparaît destinée à faire obstacle à différentes considérations liées à la nature ou à l’étendue de la restitution des prestations en vertu du droit civil lorsque en présence d’une exécution partielle ou modulée d’un contrat.
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Finalement, le Projet de loi introduit une modification au Règlement d’application de la Loi sur la protection du consommateur pour prévoir un nouveau type de stipulation contractuelle interdite, soit celle ayant pour effet d’interdire au consommateur de publier ou de communiquer un avis concernant un bien ou un service offert par un commerçant ou la conduite de celui-ci.
Autrement, le Projet de loi contient différents ajustements aux sanctions administratives pécuniaires possibles en vertu de la Lpc pour les nouvelles dispositions qu’il introduit.
CONCLUSION
Comme toujours, les modifications à la Lpc nécessitent une attention particulière des commerçants québécois et des commerçants étrangers faisant affaire au Québec, qui sont susceptibles de devoir ajuster leurs pratiques et s’adapter à de nouvelles obligations qui peuvent avoir une incidence sur leurs affaires.