Québec présente de nouvelles modifications aux lois du travail

21 mai 2025

Le 24 avril dernier, le ministre du Travail a présenté à l’Assemblée nationale le projet de loi no 101, la Loi visant l’amélioration de certaines lois du travail. Ce projet de loi omnibus vise à modifier plusieurs lois du travail provinciales, dont la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (la « LATMP »), le Code du travail, la Loi sur les normes du travail (la « LNT ») et la Loi sur la santé et la sécurité du travail (la « LSST »).

Le présent article présente les principales modifications envisagées par le gouvernement. Veuillez noter que celles-ci ne sont pas encore en vigueur, le projet de loi n’étant qu’au stade de la présentation.

Code du travail 

Nouvelles règles de procédure en matière d’arbitrage de grief

L’un des changements les plus importants envisagés par le projet de loi no 101 est l’ajout au Code du travail de règles de procédure applicables à l’arbitrage de grief dans le but de réduire les délais.

Le projet de loi prévoit l’obligation de désigner un arbitre dans les 6 mois suivant le dépôt du grief. À défaut de ce faire, la partie ayant déposé le grief aura 10 jours pour demander au ministre de nommer un arbitre, sans quoi elle sera réputée s’être désistée. L’audition devra débuter au plus tard un an après le dépôt du grief. Ce délai ne pourra être prolongé qu’une fois à la demande des parties et avec l’accord de l’arbitre. Ces règles ne s’appliqueraient toutefois pas aux secteurs public et parapublic.

Les modifications proposées imposeront également des obligations en matière de divulgation préalable de la preuve. De fait, les pièces et autres éléments de preuve devront être communiqués à l’autre partie au moins 30 jours avant le début de l’audition, sauf exception.

Normes du travail

Nouveau congé pour des raisons de santé publique ou de sécurité civile

La LNT prévoira un nouveau congé sans salaire pour une personne salariée qui n’est pas en mesure de travailler « en raison d’une recommandation, d’un ordre, d’une décision ou d’une ordonnance émis » en vertu de la Loi sur la santé publique, de la Loi sur la mise en quarantaine, de la Loi sur les mesures d’urgence ou de la Loi sur la sécurité civile visant à favoriser la résilience aux sinistres (la « Loi sur la sécurité civile »). Cette nouvelle disposition pourrait notamment s’appliquer à des salariés devant s’isoler en raison d’une urgence sanitaire ou visés par un ordre d’évacuation émis par une municipalité locale ou par le gouvernement. Au surplus, une personne salariée aura également le droit de s’absenter en raison d’un « sinistre », tel que défini dans la Loi sur la sécurité civile, ou d’un sinistre imminent.

Le projet de loi ne prévoit pas de durée maximale pour l’absence. Toutefois, avant de s’absenter, la personne salariée devra avoir pris les moyens raisonnables pour limiter la durée de cette absence. Comme pour plusieurs congés prévus à la LNT, la personne salariée doit aviser son employeur le plus tôt possible, et celui-ci peut lui demander de fournir un document justificatif afin d’attester des motifs de l’absence.

Accidents du travail et maladies professionnelles

« Travailleur » incorporé

En matière d’indemnisation liée à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, la définition de « travailleur » exclut le dirigeant d’une personne morale. Une modification à la loi permettra à ce dirigeant d’avoir le statut de travailleur lorsqu’il exécute personnellement un travail pour une entreprise autre que celle pour laquelle il agit à titre de dirigeant, par exemple lorsqu’il travaille pour un de ses clients. Ceci permettrait à certains travailleurs incorporés, notamment certains chauffeurs d’entreprises de transport, d’être indemnisés en cas d’accidents de travail.

Médiation

Le projet de loi introduira la possibilité d’avoir recours à un processus de négociation avec la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (la « CNESST »), au stade de la révision administrative, lorsqu’une demande de révision porte sur certains sujets, dont le droit à une indemnité de remplacement de revenu du travailleur, la capacité du travailleur à exercer son emploi ou la détermination d’un emploi convenable.

Santé et sécurité du travail 

Remboursement de l’employeur pour le salaire versé à la travailleuse affectée à d’autres tâches

Lorsqu’une travailleuse enceinte ou qui allaite est affectée à d’autres tâches en raison du fait que ses conditions de travail présentent un danger, l’employeur doit continuer à lui verser son salaire normal pendant toute la durée de son affectation. Le projet de loi prévoit qu’un employeur pourra demander à la CNESST de lui rembourser la différence entre le revenu brut que la travailleuse aurait normalement gagné dans son poste habituel et le revenu brut normalement associé aux tâches auxquelles elle a été assignée, le tout jusqu’à concurrence de l’indemnité de remplacement de revenus qu’elle aurait pu toucher sans cette affectation. Les règles applicables à l’exercice de ce droit seront également précisées.

Report d’un an de l’entrée en vigueur des mécanismes de prévention

Le projet de loi propose également de reporter d’un an, soit au 6 octobre 2026, la date limite pour l’entrée en vigueur des mécanismes de prévention prévus à la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail sanctionnée le 6 octobre 2021. Une fois en vigueur, ces mécanismes incluront notamment l’obligation pour tous les établissements de 20 employés ou plus d’adopter un programme de prévention et, pour les établissements de moins de 20 employés, d’établir un plan d’action afin d’éliminer les risques pouvant affecter la santé et la sécurité des travailleurs.

Entre-temps, les entreprises demeurent assujetties au régime intérimaire.

Règles particulières pour les secteurs de la santé et de l’éducation

Le projet de loi inclura également des règles particulières en matière de mécanismes de prévention s’appliquant à certains établissements du secteur de l’éducation et de la santé et des services sociaux.

Normes de construction et de sécurité établies par la CNESST

Le projet de loi prévoit que la CNESST pourrait adopter un règlement établissant des normes de construction et de sécurité applicables à certains bâtiments qu’elle identifiera. Selon le texte du projet de loi, dans certaines circonstances, la CNESST pourrait approuver des méthodes de conception, des procédés de construction ou des matériaux différents de ceux prévus par règlement, mais uniquement si la méthode, le procédé ou le matériau de remplacement est équivalent et que la sécurité des lieux est assurée, ou encore si les dispositions du règlement ne peuvent pas être raisonnablement appliquées. La décision de la CNESST à cet égard pourra être tranchée par le Tribunal administratif du travail.

Hausse des amendes en cas d’infraction

Finalement, le projet de loi prévoit des amendes plus élevées pour certaines infractions au Code du travail, à la LATMP et à la LNT.

À titre d’exemple, des amendes plus sévères sont prévues pour les employeurs et les médecins qui ne respecteraient pas la confidentialité du dossier d’un travailleur victime d’une lésion professionnelle résultant de violence (physique, psychologique ou sexuelle).

Conclusion

Par ce projet de loi, le ministre du Travail tente de répondre à des préoccupations soulevées par les secteurs patronal et syndical.

Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un printemps chargé en matière de développements législatifs en droit du travail provincial. Plusieurs projets de loi sont actuellement à l’étude, dont le projet de loi no 89 concernant la grève et le lock-out. Pour en apprendre plus, consultez notre article « Projet de loi n° 89 : tenir compte des besoins de la population pour baliser les droits de grève et de lock-out ». Au surplus, un député de l’opposition a récemment déposé le projet de loi no 990 visant à encadrer le télétravail.

Nous continuerons donc de suivre avec intérêt le cheminement de tous ces projets de loi à l’Assemblée nationale. Nous vous tiendrons informés de leur évolution et des changements législatifs pouvant avoir des répercussions sur votre organisation.