Une nouvelle loi fédérale redéfinit les règles relatives à la réalisation de grands projets d’infrastructure, qui pourrait avoir des répercussions sur la participation des peuples autochtones concernés.
En juin dernier, le gouvernement fédéral a adopté le projet de loi C-5, Loi sur l’unité de l’économie canadienne, édictant par le fait même la Loi visant à bâtir le Canada (la « Loi »). La Loi introduit un processus d’approbation accéléré et simplifié des grands projets d’intérêt national. Bien qu’elle prévoie des consultations avec les peuples autochtones, ceux-ci ont exprimé leurs inquiétudes quant au respect de leurs droits.
Cet article présente les grandes lignes de la Loi et aborde les enjeux et les perspectives pour les peuples autochtones découlant de ce nouveau cadre.
Une réforme du commerce intérieur et des grands projets
La Loi établit un processus accéléré des projets d’intérêt national, avec un objectif clair : réduire les délais d’approbation à deux ans, tout en maintenant les exigences environnementales et les consultations autochtones.
Le gouvernement du Canada peut désigner un projet comme étant « d’intérêt national » si celui-ci favorise le développement économique ou énergétique, améliore la connectivité interrégionale ou répond à des objectifs stratégiques. Cette désignation est discrétionnaire et précède toute évaluation environnementale ou sociale.
Le gouvernement du Canada doit mener des consultations avec les provinces, les territoires et les peuples autochtones afin de dresser une liste initiale de projets d’intérêt national, en tenant compte notamment de la mesure dans laquelle le projet peut :
- Renforcer l’autonomie, la résilience et la sécurité du Canada;
- Procurer des avantages économiques ou autres au Canada;
- Présenter un fort potentiel de réussite;
- Promouvoir les intérêts des peuples autochtones;
- Contribuer à une croissance durable et à l’atteinte des objectifs du Canada en ce qui a trait aux changements climatiques.
Une fois qu’un projet est désigné comme étant d’intérêt national, il bénéficie d’une présomption légale favorable : les autorisations normalement requises en vertu des lois fédérales sont réputées avoir été accordées. Un document unique d’autorisation est alors délivré par le ministre responsable, en remplacement des permis et approbations habituellement exigés, ce qui simplifie et accélère considérablement le processus réglementaire.
Le gouvernement s’engage à compléter l’ensemble du processus d’approbation en moins de deux ans, incluant la désignation, l’autorisation et la mise en œuvre. Ce calendrier limitera les délais dans lesquels les communautés autochtones devront procéder à l’analyse des impacts d’un projet sur leurs droits et faire leurs représentations à cet égard.
Le gouvernement peut exempter un projet désigné de l’application de certaines lois fédérales, telles que la Loi sur la protection des eaux navigables ou la Loi canadienne sur la protection de l’environnement. Cela soulève des préoccupations majeures quant à la protection des territoires et des écosystèmes.
En date du 13 novembre 2025, 13 projets ont été soumis pour une évaluation plus approfondie et des consultations, dont deux au Québec.
Enjeux et perspectives pour les peuples autochtones
Bien que la Loi affirme respecter les droits reconnus à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 et la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, elle ne prévoit aucun mécanisme contraignant pour garantir une consultation significative ou la recherche d’un consentement libre, préalable et éclairé des peuples autochtones.
Il demeure que le gouvernement fédéral s’est engagé à ce qu’aucun projet ne soit ajouté à la liste des projets d’intérêt national sans consultation préalable avec les titulaires de droits autochtones. Un Conseil consultatif autochtone a été mis sur pied pour conseiller le ministre responsable, sans toutefois se substituer aux consultations obligatoires. Ce Conseil est composé de onze membres provenant de différentes communautés autochtones du Canada, incluant deux personnes du Québec.
De plus, des fonds seront alloués pour renforcer la capacité des peuples autochtones à participer activement à ces processus. Le Programme de garantie de prêts pour les Autochtones sera doublé, passant de 5 G$ à 10 G$, afin de favoriser leur participation économique aux projets d’envergure.
Conclusion
La mise en œuvre de la Loi marque un tournant dans la mise en œuvre de projets d’envergure au Canada. En simplifiant les procédures réglementaires et en centralisant les autorisations, le gouvernement cherche à favoriser une croissance rapide et structurée. Si elle prévoit des consultations avec les peuples autochtones, plusieurs éléments restent flous, notamment en ce qui concerne la portée réelle de leur participation et la protection des territoires.
Alors que le gouvernement fédéral s’affaire à dresser la liste initiale des projets d’intérêt national, les peuples autochtones touchés par ceux-ci auraient avantage à obtenir des conseils juridiques pour amorcer dès que possible une analyse des impacts juridiques, appuyer leurs démarches de consultation et préparer la négociation d’ententes de participation économique.