Cet article a d’abord paru dans l’édition du printemps 2025 du bulletin de l’Association des Femmes d’assurance de Montréal (AFAM).
Dans les dernières années, le marché immobilier a connu une hausse des ventes sans garantie légale. Celles-ci sont parfois même assujetties à la mention « aux risques et périls de l’acheteur ». L’application de ces clauses, dont leur impact sur la chaîne de titres, a retenu l’attention de la Cour d’appel dans le récent arrêt Tremblay c. Immeubles Perron ltée1.
Résumé des faits
En 2003, Les Immeubles Perron ltée (« Perron » ou l’« Intimée ») vend des parties de terrain à Gercom Construction Inc., Régis Tremblay et Marjolaine Tremblay. Cette dernière deviendra propriétaire de l’ensemble du terrain en 2004. En 2007, elle cède le terrain à Régis Tremblay, cette fois en excluant toute garantie.
En 2015, Régis Tremblay vend le terrain à Danny Maltais et Émilie Tremblay (les « Demandeurs »), qui, en 2019, découvrent l’existence d’un droit de passage qui grève le terrain acquis par expropriation en 1969. Ils déposent alors une demande contre divers intervenants, dont Régis Tremblay, afin de i) déclarer l’inopposabilité de l’avis d’expropriation, ii) radier les inscriptions aux divers index et iii) faire annuler la vente en raison de vice de titres et dommages-intérêts.
En première instance, la Cour supérieure, sous la plume de l’honorable Martin Dallaire, déclare l’expropriation valide et opposable2. Ce jugement n’est pas porté en appel.
Dans une seconde décision, également rendue par le juge Dallaire, la cour rejette la demande en garantie formulée par Régis Tremblay contre Perron à titre de vendeur antérieur du terrain pour cause d’absence de fondement juridique3. La cour estime que la chaîne de garanties a été rompue lorsque Régis Tremblay a acquis le terrain sans garantie de Marjolaine Tremblay, et ce, même si elle en venait à conclure que cette dernière connaissait le vice de propriété. Ce jugement est porté en appel.
L’arrêt de la Cour d’appel
Régis Tremblay (l’« Appelant ») plaide que le juge de première instance a omis de tenir compte du fait que Marjolaine Tremblay connaissait le vice de titres et qu’elle le lui aurait volontairement caché. Selon M. Tremblay, cette connaissance ferait échec à la renonciation à la garantie légale et aurait pour effet de maintenir la chaîne de titres des vendeurs antérieurs, dont Perron.
Le juge Sansfaçon rejette l’appel pour deux motifs4, auxquels souscrivent les juges Mainville et Beaupré.
La Cour d’appel précise qu’un vendeur non professionnel qui connaît ou ne peut ignorer un vice affectant le droit de propriété et qui ne le révèle pas à l’acheteur peut, malgré tout, exclure sa responsabilité lorsque l’acheteur achète sans garantie légale et à ses risques et périls, sous réserve des règles relatives au dol5. À ce titre, la cour précise toutefois que les deux mentions, soit i) la renonciation à la garantie et ii) la déclaration de l’acquéreur qu’il encourt un péril et qu’il prend tout de même le risque, doivent s’y retrouver. À défaut, le vendeur non professionnel ne pourra prétendre à une exclusion de sa responsabilité s’il connaissait le vice et qu’il ne l’a pas dénoncé à l’acheteur.
En l’espèce, la Cour d’appel a estimé que Régis Tremblay n’avait pas acheté à ses risques et périls, car l’acte de vente manquait de stipulations claires à cet effet. En effet, l’article 1733 C.c.Q. doit s’interpréter restrictivement6. Toutefois, elle a conclu que la chaîne de titres avait été rompue dès l’exclusion de garantie dans l’acte de cession, excluant ainsi tout recours contre l’Intimée7. La cour mentionne toutefois qu’à ce stade préliminaire du dossier, il faut tenir pour avérés les faits contenus dans l’appel en garantie voulant que Marjolaine Tremblay connaissait le vice de propriété. Ce sera donc au juge du fond de déterminer la connaissance présumée de Marjolaine Tremblay.
Conclusion
En résumé, la cour indique que le seul silence du vendeur sur l’existence de certains vices ne pourra être constitutif de dol et ne pourra conduire à l’annulation de la vente pour motif d’erreur8. La compréhension de l’acheteur concernant les principes de périls et de risques doit toutefois être non équivoque. La cour confirme également que cette clause permet d’imputer à l’acheteur une connaissance présumée de l’existence des vices, qui constitue elle-même une cause d’interruption de la garantie au bénéfice des vendeurs profanes antérieurs.
Cet arrêt met en lumière des principes clés de la renonciation à la garantie légale en matière immobilière. Nous retenons que la chaîne de titres se rompt dès qu’un vendeur choisit de vendre sans garantie légale, et ce, même si le vendeur connaissait un vice, tant que l’acheteur a accepté les risques associés. Un tel acheteur sera alors forclos de plaider le vice de consentement, sauf en cas de dol. La cour invite donc les acheteurs à faire preuve d’une vigilance accrue lors de leurs vérifications préalables à l’achat afin de minimiser les risques liés à de tels arrangements9.
1 Tremblay c. Immeubles Perron ltée, 2024 QCCA 719.
2 Maltais c. Administration portuaire de Saguenay, 2021 QCCS 4811.
3 Maltais c. Administration portuaire de Saguenay, 2022 QCCS 3750.
4 Le deuxième motif en est un de prescription. La cour est d’avis que le recours de l’Appelant est prescrit, moyen uniquement soulevé en appel (Supra 1, par. 34-38). Nous n’en traiterons pas dans cet article.
5 Supra 1, par. 21-22.
6 Supra 1, par. 28-31.
7 Supra 1, par. 25.
8 Supra 1, par. 24.
9 Supra 1, par. 28.