Le 20 juin 2025, des modifications sont entrées en vigueur qui font en sorte de permettre à une « personne autorisée » de demander au Tribunal de la concurrence la permission de demander à un tribunal d’émettre des ordonnances en vertu de l’article 74.1 de la Loi sur la concurrence, incluant des sanctions pécuniaires administratives pouvant aller jusqu’à 10 M$ pour les personnes morales (corporations dans la version anglaise de la loi) pour la première ordonnance, et de 15 M$ pour toute ordonnance subséquente. Ces demandes sont notamment susceptibles de viser les nouvelles dispositions portant sur les indications trompeuses en matière d’écoblanchiment (art. 74.01(1)(b.1) et 74.01(1)(b.2)), entrées en vigueur en 2024.
Une telle demande devra être faite au Tribunal de la concurrence (le « Tribunal ») et être accompagnée d’une déclaration sous serment faisant état des faits sur lesquels elle se fonde. Cette demande devra être signifiée au commissaire de la concurrence et à « chaque personne à l’égard de laquelle une ordonnance pourrait être rendue » en vertu de l’article 74.1. Celles-ci disposeront ensuite de 15 jours pour présenter leurs observations écrites. Le Tribunal rendra ensuite une décision motivée par écrit et pourra faire droit à la demande de permission de présenter une demande en vertu de l’article 74.1 « s’il est convaincu que cela servirait l’intérêt public ».
Il est attendu que les modifications entrées en vigueur le 20 juin ouvrent la voie à des demandes de la part de groupes d’intérêts en matière de protection de l’environnement. En effet, avant le 20 juin 2025, seul le Bureau de la concurrence (le « Bureau ») pouvait demander à un tribunal d’émettre des ordonnances à l’égard de manquements allégués aux dispositions civiles de la Loi sur la concurrence portant sur les indications trompeuses, notamment celles en matière d’écoblanchiment. Précisons que ces modifications ne créent pas un droit d’action autonome pour une partie privée de réclamer des dommages-intérêts. Les conditions d’émission d’une ordonnance en vertu de l’article 74.1 (incluant quant à l’imposition de sanctions pécuniaires administratives) continueront également d’avoir pour objet d’« encourager le contrevenant à adopter un comportement compatible avec les objectifs de la [loi] et non pas à le punir ».
Obligations en vertu du paragraphe 74.01(1)(b.1)
Cette disposition s’applique aux déclarations ou indications environnementales à l’égard d’un produit formulées aux fins de promouvoir « directement ou indirectement soit la fourniture ou l’usage d’un produit, soit des intérêts commerciaux quelconques ». La Loi sur la concurrence prévoit que « sont assimilés à un produit un article et un service ». Un service est défini comme un « service industriel, commercial, professionnel ou autre », alors qu’un article est défini comme un « bien meuble ou immeuble de toute nature ».
Le Bureau précise dans ses Lignes directrices sur les déclarations environnementales du 5 juin 2025 que la contestation d’une déclaration environnementale sur la base de cet alinéa exige la preuve a) qu’une indication a été donnée au public; b) qu’il s’agissait d’une déclaration concernant l’avantage environnemental d’un produit; c) qu’elle a été donnée dans le but de promouvoir un produit ou des intérêts commerciaux. Si ces éléments sont établis, l’auteur de la déclaration devra alors démontrer que la déclaration était fondée sur une épreuve suffisante et appropriée. Il est à noter que le Bureau utilise le mot « entreprise » plutôt que le mot « personne », qui apparaît dans le libellé de l’alinéa 74.01(1)(b.1).
Le Bureau indique également qu’en l’absence de traitement jurisprudentiel, cet alinéa sera interprété selon le sens des termes utilisés dans son libellé. Nous retenons notamment les commentaires suivants à l’égard de concepts clés du paragraphe 74.01(1)(b.1) :
- Avantages : Tout avantage particulier ou attribut favorable.
- Fondement : La déclaration doit être étayée par une épreuve suffisante et appropriée, qui doit être effectuée avant que la déclaration ne soit faite.
- Suffisante et appropriée : Le Bureau considère qu’il s’agit d’une norme souple, dont la portée dépend des circonstances. Selon le Bureau, la question de savoir si une épreuve est suffisante et appropriée dépend de l’impression générale que l’indication donne aux consommateurs.
- Épreuve : le Bureau est d’avis que cette disposition exige des épreuves réelles, qui ont été décrites comme « […] une procédure visant à établir la qualité, le rendement ou la fiabilité de quelque chose ». Il retient que les tribunaux ont conclu que des éléments tels que la preuve de l’utilisation par des consommateurs pendant une longue période, les ouvrages techniques, les bulletins et les manuels, les anecdotes ainsi que les ventes de produits similaires ou les études sur ces derniers ne constituaient pas des épreuves pertinentes.
En pratique, le paragraphe 74.01(1)(b.1) de la Loi sur la concurrence impose les obligations suivantes aux entreprises dans leurs déclarations environnementales quant aux avantages d’un produit (incluant un service) formulées aux fins de promouvoir « directement ou indirectement soit la fourniture ou l’usage d’un produit, soit des intérêts commerciaux quelconques » :
- L’entreprise doit s’assurer que les déclarations quant à un avantage environnemental sont claires, précises et véridiques, tant dans leur sens littéral que selon leur impression générale du point de vue du « consommateur moyen ». Selon le Bureau, les expressions vagues du type « écoresponsable » sont à proscrire, et la déclaration doit être précise si celle-ci s’applique en tout ou en partie à un produit.
- L’entreprise doit s’assurer que les renseignements clés nécessaires à la compréhension d’une déclaration quant à un avantage environnemental sont intégrés dans la déclaration. L’entreprise doit éviter les petits caractères.
- L’entreprise doit s’assurer que les déclarations quant à un avantage environnemental sont fondées sur une épreuve suffisante et détaillée, effectuée avant que les déclarations ne soient données. L’entreprise devrait documenter une telle épreuve.
- L’entreprise doit éviter les exagérations dans les déclarations environnementales susceptibles d’être couvertes par le paragraphe 74.01(1)(b.1).
Obligations en vertu du paragraphe 74.01(1)(b.2)
Cette disposition s’applique aux déclarations ou indications environnementales « sur les avantages d’une entreprise ou de l’activité d’une entreprise », formulées aux fins de promouvoir « directement ou indirectement soit la fourniture ou l’usage d’un produit, soit des intérêts commerciaux quelconques ». Encore une fois, le mot « produit » inclut certains services.
La contestation d’une déclaration environnementale sur la base de cet alinéa exige la preuve a) qu’une indication a été donnée au public par une entreprise; b) qu’il s’agissait d’une déclaration sur les avantages environnementaux de l’entreprise ou d’une activité d’une entreprise; et c) qu’elle a été donnée dans le but de promouvoir un produit ou des intérêts commerciaux. Si ces éléments sont établis, l’auteur de la déclaration devra alors démontrer que la déclaration était fondée sur des éléments corroboratifs suffisants et appropriés obtenus au moyen d’une méthode reconnue à l’échelle internationale.
Dans ses Lignes directrices sur les déclarations environnementales du 5 juin 2025, le Bureau indique qu’en l’absence de traitement jurisprudentiel, ce paragraphe sera interprété selon le sens des termes utilisés dans son libellé. Nous retenons notamment les commentaires suivants à l’égard de concepts clés du paragraphe 74.01(1)(b.2) :
- Activité d’une entreprise : Toute activité exercée par une entreprise, y compris, sans toutefois s’y limiter, la fabrication, le transport, l’entreposage, l’acquisition ou toute autre activité relative aux articles et services, ainsi que la collecte de fonds.
- Suffisants et appropriés : Le Bureau est d’avis que les entreprises devraient choisir des éléments corroboratifs qui sont appropriés, pertinents et qui conviennent à la déclaration et suffisamment rigoureux pour établir la déclaration en question. Souvent, cela nécessitera des éléments corroboratifs de nature scientifique. Une vérification par un tiers sera nécessaire dans les cas où la méthode reconnue à l’échelle internationale sur laquelle reposent les éléments corroboratifs suffisants et appropriés l’exige.
- Éléments corroboratifs : Établissement par une preuve ou des données probantes. Même si les éléments corroboratifs ne comportent pas nécessairement un essai en laboratoire, les entreprises devraient s’assurer que la méthode choisie convient à la déclaration, compte tenu de toutes les circonstances pertinentes.
- Reconnue à l’échelle internationale : Le Bureau considérera vraisemblablement qu’une méthode est reconnue à l’échelle internationale si elle est reconnue dans au moins deux pays. Il est également d’avis que la Loi sur la concurrence n’exige pas nécessairement que la méthode soit reconnue par les gouvernements d’au moins deux pays.
En pratique, l’alinéa 74.01(1)(b.2) de la Loi sur la concurrence impose les obligations suivantes aux entreprises, quant à leurs déclarations environnementales formulées à son égard ou à l’égard de l’une de ses activités aux fins de promouvoir « directement ou indirectement soit la fourniture ou l’usage d’un produit, soit des intérêts commerciaux quelconques » :
- L’entreprise doit s’assurer que les déclarations quant à un avantage environnemental sont claires, précises et véridiques, tant dans leur sens littéral que selon leur impression générale du point de vue du « consommateur moyen ». Selon le Bureau, les expressions vagues du type « écoresponsable » sont à proscrire, et la déclaration doit être précise si celle-ci s’applique en tout ou en partie à un produit.
- L’entreprise doit s’assurer que les renseignements clés nécessaires à la compréhension d’une déclaration quant à un avantage environnemental sont intégrés dans la déclaration. L’entreprise devrait éviter les petits caractères.
- L’entreprise doit s’assurer que les déclarations quant à un avantage environnemental se fondent sur des éléments corroboratifs suffisants et appropriés obtenus au moyen d’une méthode reconnue à l’échelle internationale. L’entreprise devrait documenter ces éléments corroboratifs.
- L’entreprise doit éviter les exagérations dans les déclarations environnementales susceptibles d’être couvertes par le paragraphe 74.01(1)(b.2).
Mesures à prendre
Dans une perspective de mitigation des risques à l’égard d’une mise en œuvre de l’article 74.01 de la Loi sur la concurrence par le Bureau ou par un tiers, par le truchement de l’article 103.1, plusieurs mesures devraient être envisagées par les entreprises, notamment la mise en œuvre d’un programme de conformité en matière de déclarations environnementales. L’adoption d’un programme de conformité est un élément clé pour établir une défense de diligence raisonnable.