Travaux accessoires, intentions du propriétaire et hypothèque : un casse-tête additionnel pour les entrepreneurs?

Le 5 mai 2014, la Cour d’appel du Québec confirmait un jugement de la Cour supérieure rejetant une requête en délaissement forcé et ordonnant la radiation de plusieurs inscriptions au registre foncier.1

L’appel visait essentiellement à déterminer si des travaux d’épandage et de nivellement de matériaux sur un immeuble vacant peuvent être considérés comme des travaux de construction donnant ouverture à l’hypothèque légale. 

Le propriétaire, en confiant ces travaux dont les coûts s’élèvent à plus de 900 000 $, souhaitait rendre son terrain industriel « plus constructible » et, partant, plus facilement « vendable ». Les travaux sont effectués du 28 mars 2008 au 19 janvier 2009. Le 24 novembre 2008, le projet de vendre l’immeuble à un tiers en vue d’y construire un centre de transformation a été remis suite à l’effondrement du marché en ce domaine. 

Le jugement de la Cour supérieure 

La juge conclut que le tribunal n’est pas lié par la clause du contrat prévoyant qu’« un lien immobilier pourra être pris… sur tout solde dû » et que ces travaux « ne sont pas de la nature de ceux donnant droit à l’hypothèque légale de construction » puisqu’ils « ne s’inscrivaient pas dans un projet de construction déterminé et planifié » mais plutôt dans l’aménagement d’un terrain vacant destiné à la revente, sans construction, dans un contexte de spéculation. 

Sans écarter le principe suivant lequel des travaux accessoires, préalables ou essentiels à la construction puissent faire l’objet d’une hypothèque légale, la première juge en conditionne l’existence à la réalisation d’une « construction ». 

L’arrêt de la Cour d’appel 

S’appuyant sur divers auteurs, la Cour confirme que ces travaux ne doivent pas être considérés comme des travaux de construction, car ils ne s’inscrivent pas dans le cadre de la construction d’un immeuble (ici au sens de « bâtiment »). Elle précise que, dès lors, la question de l’existence ou non d’une plus-value n’a pas d’objet. 

Discussion 

Comment concilier le fait qu’un entrepreneur, bénéficiaire du droit à l’hypothèque légale, effectuant des travaux assujettis sur un immeuble pour une valeur de plus de 900 000 $, à la demande du propriétaire reconnaissant, par ailleurs, son droit à l’hypothèque, puisse se trouver privé de sa garantie face à un créancier hypothécaire conventionnel qui, au moment de prendre l’immeuble en paiement, bénéficiera de la valeur ajoutée par les travaux?


1 9072-7892 Québec inc. (Proc-co Beauce) c. Raymond Leblanc inc., 2014 QCCA 909.