Reconnaissance de la validité des clauses de remboursement des frais juridiques dans un contrat de prêt : les principes à retenir

Mise en contexte 

Le 6 avril 2021, dans le cadre de sa décision dans l’affaire Banque de Nouvelle-Écosse c. Davidovit1, la Cour d’appel du Québec a eu l’occasion de se prononcer sur la validité d’une clause de remboursement d’honoraires extrajudiciaires contenue dans un contrat de prêt à terme et de cautionnement. En plus de résumer clairement le droit applicable à ce type de disposition, la Cour rappelle également les critères permettant de qualifier un acte juridique de contrat d’adhésion.

 

Questions en litige 

Dans le cadre de cet appel, la Cour devait décider si la clause contractuelle prévoyant le droit au remboursement d’honoraires extrajudiciaires par l’institution financière était valide. La Cour devait déterminer (1) si le juge de première instance avait erré en concluant que la clause de remboursement d’honoraires prévue au contrat était abusive et, si elle l’était, (2) si le juge avait erré en la déclarant nulle, alors que l’article 1437 C.c.Q. accorde au tribunal la discrétion de réduire l’étendue de l’obligation2.

 

Résumé des faits 

M. Davidovit (l’« Intimé ») a contracté un prêt commercial pour le compte de sa société auprès de la Banque de Nouvelle-Écosse (l’« Appelante » ou la « Banque ») et s’est porté personnellement caution de son remboursement (le « Contrat »).

La société de l’Intimé a déclaré faillite en 2014 et la liquidation de ses actifs ne permettait pas d’acquitter pleinement l’obligation à laquelle elle était tenue envers l’Appelante. Cette dernière a donc poursuivi l’Intimé directement pour obtenir le remboursement du solde dû, lequel s’élève à 36 238 $. S’appuyant sur une clause du Contrat, la Banque réclamait également la somme de 31 145 $ qu’elle a dû débourser à titre d’honoraires extrajudiciaires pour recouvrer le solde dû sur le prêt. Cette clause prévoyait l’obligation pour l’Intimé de rembourser à la Banque les honoraires engagés dans le cadre du recouvrement de sa créance.

En première instance, l’honorable Frédéric Bachand, j.c.s., condamne l’Intimé à rembourser à l’Appelante le solde du prêt, mais rejette la réclamation de cette dernière pour le remboursement des honoraires extrajudiciaires. Sans en traiter explicitement, la Cour supérieure a déterminé que le Contrat intervenu entre les parties en est un d’adhésion, le rendant sujet à l’application de l’article 1437 C.c.Q. Le juge Bachand était d’avis que la clause permettant à la Banque d’obtenir le remboursement des honoraires extrajudiciaires engagés pour recouvrer sa créance était abusive et qu’elle devait être déclarée nulle, notamment parce qu’elle impose une obligation unilatérale à une partie qui est déjà vulnérable et qu’elle dissuade l’Intimé de faire valoir une défense contre la Banque, restreignant ainsi l’accès à la justice.

La Banque conteste la décision de première instance de déclarer nulle la clause de remboursement d’honoraires.

 

Décision de la Cour d’appel

La Cour d’appel a infirmé cette décision, tout en déterminant que le montant réclamé par la Banque pour les honoraires extrajudiciaires devait être réduit, comme le permet le premier alinéa de l’article 1437 C.c.Q. in fine.

 

La nature juridique du Contrat 

La Cour d’appel a tout d’abord analysé la qualification juridique du Contrat liant les parties. À ce sujet, elle soulignait que ce n’est pas nécessairement parce qu’un contrat prend la forme d’un formulaire préimprimé et qu’il a été préparé par l’une des parties qu’il sera automatiquement qualifié de contrat d’adhésion. Il s’agit simplement d’indices qui pointent vers cette conclusion.

À l’inverse, le fait qu’un formulaire préimprimé propose à l’emprunteur diverses conditions pouvant être incluses au contrat en cochant les cases appropriées (ex. : prêt garanti ou non garanti, avec ou sans caution personnelle) pourra être considéré comme un indice que les termes du contrat sont négociables. La Cour semble également innover en évoquant la possibilité qu’un document préimprimé et préparé par une partie puisse ne pas être un contrat d’adhésion dans les cas où la partie qui cherche à conclure ce contrat avait la possibilité de le « magasiner ». Sans fournir de réponse absolue, la Cour indique que la présence de plusieurs compétiteurs pour un même service « remet en question le caractère d’adhésion du contrat »3. Aucune preuve n’ayant été faite en première instance pour permettre à la Cour de qualifier le Contrat autrement, la qualification adoptée par le juge du procès est maintenue.

 

Réclamations pour honoraires extrajudiciaires

La Cour d’appel déclare clairement qu’en règle générale, une clause de remboursement d’honoraires extrajudiciaires, même si elle est contenue dans un contrat d’adhésion, n’est pas nécessairement abusive et, conséquemment, invalide4. La Cour précise que l’application de ce type de clause constitue, en substance, une demande de dommages-intérêts contractuels5. Cela a pour conséquence que le fardeau de démontrer que les frais ont été engagés et que ceux-ci sont raisonnables repose sur les épaules de la partie qui invoque cette clause. La Cour rappelle qu’il ne sera pas suffisant de produire les notes d’honoraires de l’avocat pour qu’une partie puisse adéquatement se décharger de ce fardeau6.

Par ailleurs, ce n’est pas parce que l’article 54 C.p.c. confère à la Cour le pouvoir d’intervenir pour ordonner à une partie de rembourser les honoraires défrayés par l’autre partie en raison de procédures jugées abusives, que les parties ne peuvent pas prévoir une clause contractuelle de remboursement des honoraires, sans égard à la conduite de chacune7.

De plus, la Cour ne voit pas en quoi la présence d’une clause contractuelle de remboursement des honoraires restreint l’accès à la justice. À ce sujet, elle souligne que l’article 1617, al. 3 C.c.Q. permet déjà aux parties d’inclure dans leur contrat une clause prévoyant l’obligation de payer des dommages-intérêts additionnels en cas de défaut de se conformer aux conditions qui y sont stipulées. Par ailleurs, plusieurs juridictions, incluant celle du Québec, accordent au juge la liberté de condamner une des parties à rembourser, dans certains cas, les honoraires engagés par l’autre partie, sans que l’accès à la justice soit restreint pour autant8.

Enfin, la Cour établit que la clause de remboursement d’honoraires incluse dans un contrat d’adhésion reste sujette à un contrôle de la part des tribunaux. En effet, le droit de réclamer des honoraires à son cocontractant doit toujours s’exercer de façon raisonnable et de bonne foi (articles 6, 7 et 1375 C.c.Q.) et les honoraires réclamés doivent être proportionnels au reste de la procédure (article 18 C.p.c.)9. Dans l’analyse du caractère raisonnable des honoraires réclamés, la Cour examinera toutes les circonstances, notamment la complexité de l’affaire, le nombre de témoins entendus et de pièces produites et le taux horaire des avocats impliqués10.

C’est donc dire que, dans les cas où une clause de remboursement d’honoraires prévoit qu’une partie devra rembourser à l’autre un montant préétabli, il appartiendra à la partie qui invoque cette clause de démontrer que le montant réclamé est raisonnable eu égard aux circonstances. En vertu de l’article 1437 C.c.Q., le tribunal pourra intervenir pour réduire ce montant lorsqu’il sera jugé déraisonnable. Puis, dans les cas où la clause de remboursement d’honoraires ne prévoit pas de montant préétabli, il appartiendra à la partie qui l’invoque de démontrer que le montant demandé est justifié, à l’image de ce qui est prévu au 3e alinéa de l’article 1617 C.c.Q. pour les dommages-intérêts additionnels11.

En l’espèce, la Cour est d’avis que le niveau de complexité du cas à l’étude était plus élevé qu’à l’habitude, considérant la défense et la demande reconventionnelle. En tenant compte de tous les facteurs propres à cette affaire, la Cour en arrive à la conclusion que les frais réclamés doivent être réduits de 31 000 $ à 12 000 $.

 

Conclusion

Cette décision rappelle qu’il revient à celui qui prétend avoir conclu un contrat d’adhésion d’en faire la démonstration, et ce, même en présence d’un formulaire préimprimé et préparé par l’autre partie. Finalement, la Cour confirme de nouveau qu’il appartiendra toujours à la partie qui cherche à faire appliquer ce type de clause de démontrer que les frais ont effectivement été générés et qu’ils sont raisonnables eu égard aux faits particuliers de chaque affaire.

__________

1 2021 QCCA 551.
2 Id., paragr. 18.
3 Id., paragr. 27. Notre traduction. Dans l’original : « puts into question whether the contract is one of adhesion ».
4 Id., paragr. 19-22.
5 Id., paragr. 42.
6 Id.
7 Id., paragr. 23.
8 Id., paragr. 24.
9 Id., paragr. 36-43.
10 Id., paragr. 43.
11 Id., paragr. 36.