Les contrats du CCDC au-delà des 20 jours ouvrables de fermeture des chantiers

Le 23 mars 2020, le premier ministre du Québec, M. François Legault, annonçait la fermeture complète de tous les commerces offrant des services non essentiels1.

Cette mesure, qui visait notamment la plupart des chantiers de construction, est officiellement entrée en vigueur le 25 mars 20202.

Au moment d’écrire ces lignes, la date de reprise des chantiers demeure incertaine, à l’exception de certains chantiers résidentiels rencontrant les critères établis à l’arrêté du 19 avril 20203.

Le mercredi 22 avril 2020, il se sera donc écoulé 20 jours ouvrables4 depuis l’entrée en vigueur du décret prononçant la fermeture de la plupart des chantiers.

Or, les documents du Comité canadien des documents de construction (CCDC) confèrent certains droits aux parties à cet effet. 

Les Conditions générales du CCDC-2 (contrat à forfait), dont le contenu est repris notamment à l’ACC-15 (contrat de sous-traitance à forfait), au CCDC-36 (contrat à prix coûtant majoré), au CCDC-5B7 (contrat de gérance de construction – pour services et construction) et au CCDC-148 (contrat de design-construction à forfait), prévoient : 

7.2.2 Si les travaux sont suspendus ou arrêtés de quelque façon que ce soit pour une période de 20 jours ouvrables ou plus en vertu d’une ordonnance du tribunal ou d’une autre autorité publique compétente, et pourvu qu’une telle ordonnance n’ait pas été émise par suite d’une action ou d’une faute de l’entrepreneur ou de toute personne employée ou engagée directement ou indirectement par lui, l’entrepreneur peut, sans préjudice de tout autre droit ou recours qu’il peut avoir, résilier le contrat, en donnant un avis écrit au maître de l’ouvrage à cet effet. 

[] 

7.2.5 Si l’entrepreneur résilie le contrat dans les circonstances susmentionnées, il a droit au paiement de tous les travaux exécutés, y compris un bénéfice raisonnable, ainsi qu’une indemnité pour toute perte subie sur les produits et le matériel de construction et pour tout autre dommage qu’il peut avoir subi par suite de la résiliation du contrat. 

            [nos caractères gras] 

Les « autre droit ou recours » mentionnés au paragraphe 7.2.2 pourraient notamment inclure les droits de rajustement du délai d’exécution et du prix du contrat conférés par les articles CG 6.5 – RETARDS et CG 10.2 – LOIS, AVIS, PERMIS ET DROITS. 

Les intervenants des chantiers qui ne rencontrent pas les critères de l’arrêté du 19 avril 2020 devront ainsi analyser les options qui s’offrent à eux. 

En outre, l’entrepreneur général (ou le gérant pour services et construction ou le design-constructeur) pourrait considérer : 

  • (s’il désire résilier le contrat) la transmission d’un avis de résiliation et de compensation au maître de l’ouvrage, et incidemment procéder à la résiliation unilatérale des contrats de sous-traitance. Dans cette éventualité, notons que le sous-traitant aurait droit lui aussi, selon l’ACC 19, au paiement de tous ses travaux exécutés, à un bénéfice raisonnable et une indemnité pour toute perte subie et tout autre dommage. 
  • (s’il désire poursuivre le contrat) la transmission d’un avis de rajustement du délai d’exécution et du prix du contrat au maître de l’ouvrage, en complément de celui idéalement déjà transmis sur l’assise des articles CG 6.5 et 10.2, incluant les délais et les frais qu’il pourrait subir en raison de l’exercice d’un droit de résiliation et/ou de compensation par ses sous-traitants. 

N’oublions pas toutefois, lorsque la négociation des droits de rajustements sera engagée, que le maître de l’ouvrage dispose d’un droit de résiliation unilatéral conféré par le Code civil du Québec, qu’il peut exercer en tout temps moyennant le paiement des dépenses raisonnablement engagées jusqu’alors par l’entrepreneur.


1 Les services essentiels sont énumérés sur le site du gouvernement et découlent notamment de plusieurs décrets et arrêtés rendus au cours des derniers jours;
2 Voir le décret numéro 223-2020 du 24 mars 2020 concernant l’ordonnance de mesures visant à protéger la santé de la population dans la situation de pandémie de la COVID-19 : https://cdn-contenu.quebec.ca/cdn-contenu/adm/min/sante-services-sociaux/publications-adm/lois-reglements/Decret-223-2020.pdf?1585098631;
3 Voir l’arrêté numéro 2020-025 de la ministre de la Santé et des Services sociaux en date du 19 avril 2020 concernant l’ordonnance de mesures visant à protéger la santé de la population dans la situation de pandémie de la COVID-19 : https://cdn-contenu.quebec.ca/cdn-contenu/adm/min/sante-services-sociaux/publications-adm/lois-reglements/AM_2020-025.pdf?1587337341;
4 Soit un jour autre qu’un samedi, un dimanche ou un jour férié, selon la définition habituellement retrouvée dans les contrats CCDC;
5 Nous vous référons aux mêmes clauses que le CCDC 2, soit les 7.2.2 et 7.2.5, qui sont sur le fond essentiellement identiques;
6 Nous vous référons aux mêmes clauses que le CCDC 2, soit les clauses 7.2.2 et 7.2.5, qui prévoient des droits similaires au CCDC 2, mais dont le vocabulaire est ajusté pour tenir compte du contexte d’un contrat à prix coûtant majoré;
7 Nous vous référons aux mêmes clauses que le CCDC 2, soit les 7.2.2 et 7.2.5, qui sont sur le fond essentiellement identiques;
8 Dans ce contrat, les clauses sont plutôt numérotées 7.3.2 et 7.3.6. Elles sont toutefois, sur le fond, essentiellement identiques aux clauses 7.2.2 et 7.2.5, respectivement, du CCDC 2;
9 Voir la clause 7.2.6 de l’ACC 1.