Le privilège avocat-client et le devoir de loyauté sont une fois de plus confirmés par la Cour suprême du Canada

L’importance fondamentale du privilège avocat-client et du devoir de loyauté des conseillers juridiques a été une fois de plus confirmée par la Cour suprême du Canada le 13 février 2015, à l’occasion de la très attendue affaire de Canada (Procureur général) c. Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada1

Dans le but de réduire le risque que les intermédiaires financiers facilitent le recyclage des produits de la criminalité ou le financement des activités terroristes, la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes2 (ci‑après la « Loi ») et du Règlement sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes3 (ci-après le « Règlement ») imposent des obligations, aux avocats notamment, en ce qui concerne la cueillette et la conservation de documents et de renseignements permettant de vérifier l’identité des personnes pour le compte desquelles ils effectuent des transactions pécuniaires.

La Cour suprême devait se pencher sur la constitutionalité de ces dispositions de la Loi et du Règlement compte tenu du droit au secret professionnel des clients des conseillers juridiques et des obligations déontologiques de ces derniers. 

Dans un premier temps, la Cour suprême consacre la protection constitutionnelle du secret professionnel des avocats. Reconnaissant que l’attente raisonnable à l’égard de la confidentialité des communications protégées par le privilège avocat-client est invariablement élevée, la Cour confirme que les dispositions législatives ne doivent pas porter atteinte à un tel privilège, sauf dans la mesure où cela est absolument nécessaire. Dans un second temps, la Cour reconnaît formellement comme principe de justice fondamentale l’obligation de l’avocat de se dévouer au service et à la défense des intérêts légitimes de son client. 

La Cour en conclut que les exigences de la Loi et du Règlement visant les avocats sont contraires aux principes jurisprudentiels en matière de perquisition dans un cabinet d’avocats4, ainsi qu’aux intérêts légitimes des clients. Ces dispositions sont donc jugées inconstitutionnelles puisqu’elles portent atteinte de manière injustifiée aux articles 7 et 8 de la Charte canadienne des droits et libertés5 qui traitent respectivement du droit à la vie, à la liberté et à la sécurité des individus ainsi que du droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives. 

Ainsi, la Cour confirme la protection contre les fouilles abusives et l’importance de la confiance du public envers le système judiciaire. Elle confirme également l’impossibilité pour l’État d’imposer aux avocats des obligations qui minent leur devoir de se dévouer entièrement à la cause de leurs clients. De plus, elle insiste sur le fait que le secret professionnel est un principe de justice fondamentale essentiel au bon fonctionnement du système juridique. 

Enfin, cette importante décision rappelle que la profession juridique a déjà mis en place des normes de pratique relativement à la problématique visée par la Loi et le Règlement, normes qui témoignent d’un consensus au sein de la profession en ce qui a trait aux règles déontologiques applicables pour la représentation éthique et efficace des clients, particulièrement au niveau de la cueillette et la conservation de renseignements.


1 2015 CSC 7.
2 L.C. 2000, c. 17.
3 DORS/2002‑184.
4 Lavallee, Rackel & Heintz c. Canada (Procureur général), 2002 CSC 61.
5 Loi constitutionnelle de 1982, Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11.