L’ABC de l’hypothèque légale de la construction au Québec

L’article 2726 du Code civil du Québec (« C.c.Q. ») établit l’hypothèque légale de la construction comme suit : 

2726. L’hypothèque légale en faveur des personnes qui ont participé à la construction ou à la rénovation d’un immeuble ne peut grever que cet immeuble. Elle n’est acquise qu’en faveur des architecte, ingénieur, fournisseur de matériaux, ouvrier, entrepreneur ou sous-entrepreneur, à raison des travaux demandés par le propriétaire de l’immeuble, ou à raison des matériaux ou services qu’ils ont fournis ou préparés pour ces travaux. Elle existe sans qu’il soit nécessaire de la publier. 

Ce régime, d’interprétation restrictive1, offre une garantie particulièrement efficace puisqu’elle prend rang avant toute autre hypothèque, indistinctement de sa date d’inscription au registre foncier, et ce, pour la plus-value apportée à l’immeuble2

Qui en sont les bénéficiaires, quels types de travaux couvre-t-elle, quelle en est la valeur, quels sont les délais et modalités y afférents et peut-on y renoncer valablement? 

Qui en sont les bénéficiaires? 

Les bénéficiaires de l’hypothèque légale de la construction sont les intervenants nommément désignés à l’article 2726 C.c.Q., soit l’architecte, l’ingénieur, le fournisseur de matériaux, l’ouvrier, l’entrepreneur et le sous-entrepreneur3.   

Par ailleurs, les intervenants qui ne contractent pas directement avec le propriétaire, sauf l’ouvrier, doivent lui dénoncer leur contrat par écrit4

La dénonciation permet de garantir la valeur des travaux exécutés ou des matériaux fournis postérieurement. 

L’avis de dénonciation doit contenir la nature du contrat obtenu, le nom du cocontractant, le prix initial, le projet concerné et l’intention du bénéficiaire de se prévaloir de son droit de publier une éventuelle hypothèque légale. Sauf circonstances particulières, les modifications à l’ouvrage n’ont pas à faire l’objet d’une dénonciation complémentaire. 

Quels types de travaux couvre-t-elle? 

Tant les travaux de construction, de rénovation ou d’agrandissement, que les matériaux ou services préparés ou fournis peuvent donner ouverture à l’hypothèque légale de la construction, en autant que ceux-ci aient été demandés par le propriétaire de l’immeuble5.

Quant aux travaux préparatoires ayant pour objet de faciliter la revente de terrains, ceux-ci devront s’inscrire dans le cadre d’un projet de construction clairement et précisément planifié par le propriétaire6

Quelle en est la valeur? 

L’hypothèque couvre la plus-value apportée à l’immeuble ou encore, dans le cas exceptionnel de l’unité d’exploitation, aux différents lots concernés par le projet. 

La plus-value inclura généralement le solde et la retenue contractuelle, de même que les coûts inhérents au projet de construction qui sont nécessaires à l’exécution du contrat (ex. : frais de prolongation et de retard compensables, frais d’assurance, intérêts, taxes, etc.). 

Cependant, les frais liés à la perte de productivité relative aux conditions hivernales7, de même que de simples travaux d’esthétique ou d’entretien mineur n’apportent pas, a priori, de plus-value, à moins d’en faire la démonstration. 

Quels sont les délais et modalités y afférents?

A) L’inscription d’un avis d’hypothèque légale 

Pour conserver le droit à l’hypothèque légale au Québec, le bénéficiaire doit publier un avis au registre foncier dans les 30 jours de la fin des travaux et le signifier au propriétaire8. La notion de fin des travaux correspond généralement à la date à laquelle les travaux prévus aux plans et devis ont été parachevés, par opposition à la simple correction de déficiences. Il est à noter que la date d’émission du certificat par les professionnels ne correspond pas nécessairement à la date de fin des travaux; il s’agit d’une question factuelle. 

B) L’inscription d’un préavis d’exercice d’un recours hypothécaire 

Toujours pour conserver le droit à cette sûreté, un préavis d’exercice d’un recours hypothécaire doit être inscrit au registre foncier, cette fois-ci dans les six (6) mois de la fin des travaux9. Différents recours pourront par la suite être entrepris par le bénéficiaire, que ce soit la vente sous contrôle de justice, la prise en paiement, la vente par créancier ou la prise de possession à des fins d’administration. 

Peut-on y renoncer valablement?

Il est possible de renoncer au droit à l’hypothèque légale de la construction, par opposition au droit de publier, d’inscrire ou d’enregistrer une hypothèque légale10. Ainsi, il faut porter une attention particulière à la rédaction de la clause de renonciation et être vigilant dans le choix des termes employés. 

En terminant, sachez qu’un simple vice procédural peut s’avérer fatal en matière d’hypothèque légale, d’où l’importance de bien respecter chacune des conditions de validité. Pour davantage d’information sur l’hypothèque légale de la construction et son application en vertu du droit québécois, n’hésitez pas à contacter l’un de nos professionnels.


1 Urbacon Architecture inc. c. Urbacon Buildings Group Corp., 2016 QCCA 620.
2 Article 2952 C.c.Q.
3 De tous les niveaux de sous-traitance.
4 Article 2728 C.c.Q.
5 Article 2726 C.c.Q.
6 9072-7892 Québec inc. (Pro-Co Beauce) c. Raymond Leblanc inc., 2014 QCCA 909; R. Piché Dynamitage inc. c. 9180-6646 Québec inc., 2017 QCCA 1635.
7 Société de cogénération de St-Félicien c. Industries Falmec inc., 2005 QCCA 441.
8 Article 2727 C.c.Q.
9 Article 2727 C.c.Q.
10 Article 2936 C.c.Q.