La couverture pour les risques après travaux d’une police wrap‑up

L’arrêt Constructions Reliance inc. (Constructions Reliance du Canada ltée) c. Compagnie d’assurances Temple1 de la Cour d’appel du Québec a récemment statué sur l’interprétation de la couverture des « risques après travaux » aux termes d’une police d’assurance responsabilité civile globale de chantier, communément appelée l’assurance wrap-up.

L’assurance wrap-up est fréquemment contractée dans le cadre d’importants projets de construction pour couvrir, moyennant une prime unique, la responsabilité civile de l’ensemble des intervenants, notamment l’entrepreneur général, les sous-traitants et les consultants2

L’assurance wrap-up contient typiquement une exclusion pour les dommages matériels occasionnés au projet de construction. Il est aussi d’usage que l’assurance wrap-up soit complémentaire à une police d’assurance chantier (builders risk) qui elle, offre une protection contre les dommages occasionnés au projet durant la construction.

 

Les faits

Dans le cadre d’un projet de construction visant la transformation d’une ancienne usine en immeuble en copropriété (le « Projet »), la Compagnie d’assurance Temple (« Temple ») a émis une police d’assurance wrap-up et une police d’assurance chantier (builders risk) (ci-après la « Police Wrap-up » et la « Police Chantier »), et ce, pour la période du 22 mars 2010 au 22 juillet 2011. Les périodes de couverture de la Police Chantier et de la Police Wrap-up sont subséquemment prolongées jusqu’au 1er novembre 2011. 

Comme il est d’usage, la Police Wrap-up en cause exclut les dommages occasionnés au Projet durant les travaux. 

Le 29 septembre 2011, l’architecte responsable de la surveillance des travaux émet un certificat d’achèvement substantiel du Projet. Au même moment, l’architecte produit une liste de travaux supplémentaires à être réalisés, à la suite desquels la fin des travaux sera attestée. 

La Police Chantier échoit le 1er novembre 2011 et n’est pas prolongée. Une police d’assurance est alors émise par la Compagnie d’assurances Missisquoi (« Missisquoi ») au nom du syndicat des copropriétaires (les « copropriétaires ») pour les dommages à l’immeuble en cause. 

De son côté, la Police Wrap-up est prolongée jusqu’au 1er janvier 2012 et le sera à deux autres reprises par la suite, et ce, jusqu’au 1er mars 2012. 

Le 14 novembre 2011, alors qu’il effectue les travaux de peinture dans le cadre du Projet, un employé du sous-traitant en peinture heurte la tête d’un gicleur causant un dégât d’eau. À cette date, l’immeuble en cause est occupé par 80 % des copropriétaires.

Après avoir indemnisé son assuré, l’assureur des copropriétaires, Missisquoi, intente un recours subrogatoire contre l’entrepreneur général, le sous-traitant en peinture3, l’assureur responsabilité civile du sous-traitant ainsi que Temple. Seul le recours contre Temple fait l’objet de la décision de la Cour d’appel.

 

La décision de première instance en Cour supérieure

Temple nie couverture et plaide que les dommages au Projet ne sont pas couverts par la Police Wrap-up. Temple argue que les travaux relatifs au Projet, précisément les travaux de peinture, ne sont pas réputés complétés aux termes de la couverture pour les « risques après travaux », et, par conséquent, que l’exclusion des dommages au Projet s’applique.

La Cour supérieure accepte cet argument4. Elle rejette le recours visant Temple, concluant à l’absence de couverture pour les dommages au Projet sous la Police Wrap-up.

 

La décision de la Cour d’appel

L’entrepreneur général et l’assureur du sous-traitant en peinture se pourvoi en appel relativement au rejet du recours visant Temple.

Les appelantes reconnaissent que la Police Wrap-up contient une exclusion pour les dommages causés au Projet, mais invoquent l’exception stipulée à cette exclusion. Les appelantes soutiennent que l’exception des « risques après travaux » est applicable puisque le sinistre découlerait de travaux « complétés » au sens où l’entend la police.

La Police Wrap-up définissait ainsi les risques après travaux :

19. Risque des travaux terminés

S’entend de la responsabilité découlant des Travaux de l’Assuré dans le cadre du Projet assuré en raison d’un Préjudice corporel ou de Dommages matériels, mais seulement si le Préjudice corporel ou les Dommages matériels résultent d’un Événement survenu après l’achèvement ou l’abandon des Travaux de l’Assuré.

Les Travaux de l’Assuré sont réputés terminés au moment le plus rapproché entre les moments suivants :

(a) lorsque sont terminés tous les Travaux de l’Assuré qui doivent être effectués aux termes du Contrat de l’Assuré;

(b) lorsque sont terminés tous les Travaux de l’Assuré qui doivent être effectués concernant le Projet assuré;

(c) lorsque la partie des Travaux de l’Assuré qui a occasionné les Préjudices corporels ou les Dommages matériels a été mise en service aux fins prévues par une personne qui n’est pas un autre entrepreneur ou sous-traitant participant au même Projet assuré pour le compte de l’Assuré désigné;

(d) lorsque les Travaux de l’Assuré sont acceptés par ou pour le propriétaire.5

Aux termes de ce libellé, les travaux de l’assuré seront réputés complétés à la première des quatre (4) situations mentionnées aux paragraphes (a), (b), (c) ou (d) ci-haut.

Les appelantes s’appuient sur les paragraphes (c) et (d) pour soutenir que la couverture des « risques après travaux » s’applique.

En ce qui concerne le paragraphe (c), les appelantes soutiennent que les travaux de peinture étaient mis en service aux fins prévues puisque les copropriétaires occupaient le Projet au moment du sinistre. La Cour d’appel rejette cet argument et rappelle que les travaux de peinture étaient en cours d’exécution. Ce faisant, alors que les peintres sont à peinturer, les travaux de peinture ne sauraient avoir été mis en service ou utilisés aux fins prévues.

Quant au paragraphe (d), les appelantes font valoir que les travaux de peinture ont été acceptés par ou au nom du propriétaire étant donné qu’un certificat d’achèvement substantiel du Projet avait été émis par le surveillant du Projet. La Cour d’appel rejette également cet argument, constatant (i) qu’aucune preuve ne démontre que les travaux de peinture en cause avaient été acceptés par ou au nom du propriétaire au moment du sinistre et (ii) que le certificat émis par l’architecte est complété par une liste de déficiences précisant que plusieurs travaux de peinture sont incomplets ou doivent être corrigés. La Cour d’appel estime qu’on ne peut conclure que l’architecte avait accepté les travaux à la date du sinistre.

 

Ce qu’il faut retenir

Selon le raisonnement de la Cour d’appel et sous réserve du libellé applicable, l’émission d’un certificat d’achèvement substantiel des travaux par le professionnel chargé de la surveillance des travaux et l’occupation de l’immeuble ne sauraient établir de facto l’application de la couverture des risques après travaux d’une police wrap-up.

Cette décision de la Cour d’appel illustre par ailleurs la complémentarité des polices chantier et wrap-up. Quelques jours avant le sinistre, la Police Chantier échouait. Une police d’assurance usuelle était souscrite auprès de Missisquoi au bénéfice du syndicat des copropriétaires pour les dommages à l’immeuble. Ce faisant, Missisquoi a pu exercer un recours subrogatoire contre l’entrepreneur général et le sous-traitant en peinture.

Si la Police Chantier avait été prolongée plutôt que d’être remplacée par la police d’assurance émise pour les copropriétaires, l’entrepreneur général et le sous-traitant en peinture n’auraient pas été visés par un recours subrogatoire. En effet, l’assureur chantier ne bénéficie d’aucun droit de subrogation à l’encontre de l’entrepreneur général ou du sous-traitant responsable des dommages6

Cette décision de la Cour d’appel rappelle aux promoteurs immobilier et aux entrepreneurs généraux l’importance de maintenir en vigueur les garanties complémentaires offertes par les polices chantier et wrap-up jusqu’à la livraison complète du projet de construction.


1 2020 QCCA 947.
2 GCAN Insurance Company c. Concord Pacific Group Inc. et al., 2007 BCSC 241, par. 11 et 12.
3 La procédure à l’encontre du sous-traitant a été suspendue en raison de sa faillite.
4 Compagnie d’assurances Missisquoi v. Constructions Reliance Inc. (Construction Reliance du Canada Ltée), 2018 QCCS 1049.
5 La Police Wrap-up en cause a été émise en anglais. L’extrait cité est tiré de la version française de la Police Wrap-up.
6 Voir en particulier Commonwealth Construction Co. Ltd. c. Imperial Oil Ltd., [1978] 1 S.C.R. 317.