Êtes-vous atteint de lobbyisme ?

Bien qu’il puisse avoir au premier abord une connotation péjorative, le lobbyisme n’est pas une maladie.

Le législateur reconnaît d’ailleurs expressément le lobbyisme comme moyen légitime d’accès aux institutions parlementaires, gouvernementales et municipales, statuant du même souffle qu’il est dans l’intérêt du public de connaître l’identité de celui qui cherche à exercer une influence auprès de ces institutions.

La Loi sur la transparence et l’éthique en matière de lobbyisme a récemment fait les manchettes. Effectivement, le commissaire au lobbyisme déposait au mois de mai un rapport comportant 105 recommandations et visant une refonte en profondeur de la Loi actuelle, à une époque où la population exige une plus grande transparence dès qu’il est question de l’utilisation de deniers publics. Avant cette refonte – si refonte il y a – et à l’aube de la mise en œuvre du Plan Nord où l’on peut imaginer une multiplication des interactions entre l’État et les nombreux acteurs qui voudront y jouer un rôle de premier plan, il nous est apparu à propos de revisiter les obligations découlant de la Loi actuelle en se posant la question : À partir de quel moment suis-je un lobbyiste et dois-je m’inscrire au registre ?

Les trois ingrédients

En simplifiant au maximum, disons simplement que le lobbyisme est composé de trois ingrédients :

  • Un titulaire de charge publique
  • Une communication pour influencer
  • Un lobbyiste

Lorsque ces trois ingrédients sont réunis, vous faites œuvre de lobbyisme et une inscription au registre des lobbyistes est alors obligatoire.

Analysons maintenant chacun de ces ingrédients :

1er ingrédient : Un titulaire de charge publique

Les titulaires de charge publique œuvrent au sein des institutions parlementaires, gouvernementales et municipales. La Loi décrit les titulaires de charge publique comme étant :

  • les ministres et les députés, ainsi que les membres de leur personnel ;
  • les membres du personnel du gouvernement ;
  • les personnes nommées à des organismes ou entreprises du gouvernement ainsi que les membres du personnel de ces organismes ou entreprises ;
  • les maires, les conseillers municipaux ou d’arrondissements, les préfets, les présidents et autres membres du conseil d’une communauté métropolitaine, ainsi que les membres de leur personnel de cabinet ou du personnel des municipalités.

2e ingrédient : Une communication pour influencer

C’est une réflexion en trois étapes :

Vous initiez une communication, orale ou écrite, avec un titulaire d’une charge publique ? La première étape est franchie.

Cette communication vise à influencer une prise de décision d’un titulaire d’une charge publique ? La seconde étape est également franchie.

 Cette prise de décision porte sur :

  • l’élaboration, la présentation, la modification ou le rejet d’une proposition législative ou réglementaire, d’une résolution, d’une orientation, d’un programme ou d’un plan d’action ?
  • l’attribution d’un permis, d’une licence, d’un certificat ou de toute autre autorisation ?
  • l’attribution d’un contrat, autrement que dans le cadre d’un appel d’offres public, d’une subvention ou d’un autre avantage pécuniaire, ou à l’attribution d’une autre forme de prestation déterminée par règlement du gouvernement ?
  • la nomination d’un administrateur public ou d’un sous-ministre ?

Si vous répondez oui à l’une de ces dernières questions, vous avez franchi la troisième étape et il s’agit, sauf exception, d’une activité de lobbyisme.

Mais cela fait-il de vous un lobbyiste ? Pas nécessairement…

3e ingrédient : Un lobbyiste

Pour nécessiter une inscription au registre des lobbyistes, vous devez faire partie d’un des trois types de lobbyistes prévus à la loi.

Les lobbyistes-conseils sont ceux dont l’occupation ou le mandat consiste, en tout ou en partie, à exercer des activités de lobbyisme pour le compte d’autrui moyennant contrepartie.

Les lobbyistes d’entreprise sont ceux dont l’emploi ou la fonction au sein d’une entreprise à but lucratif consiste, pour une partie importante de leurs tâches, à exercer des activités de lobbyisme pour le compte de l’entreprise.

Les lobbyistes d’organisation ressemblent aux lobbyistes d’entreprise, mais agissent pour le compte d’associations ou autres groupements à but non lucratif.

On notera que la notion de « partie importante » dans le cas des lobbyistes d’entreprise et d’organisation est interprétée largement par le commissaire au lobbyisme. Dès que plus de 12 jours par année financière sont consacrés à la préparation ou la mise en œuvre d’une activité de lobbyisme ou dès lors qu’un membre du conseil d’administration ou un cadre de l’entreprise est impliqué, le commissaire considère qu’une inscription au registre est requise.

L’inscription d’un lobbyiste-conseil au registre doit être faite au plus tard le 30e jour suivant celui où il commence à exercer des activités de lobbyisme pour le compte d’un client. Dans le cas d’un lobbyiste d’entreprise ou d’un lobbyiste d’organisation, ce délai est de 60 jours.

Les exceptions

Naturellement, la Loi  et ses règlements comportent leur lot d’exceptions qui viennent nuancer l’obligation d’inscription au registre des lobbyistes.

La Loi ne s’appliquera pas à certaines activités qui pouvaient sembler se qualifier d’activités de lobbyisme, par exemple lorsqu’elles sont exercées dans le cadre d’une commission parlementaire ou dans le cadre de procédures judiciaires ou juridictionnelles, ou préalablement à de telles procédures.

Également, une personne dont l’emploi ou la fonction consiste à exercer d’une manière importante des activités de lobbyisme pour le compte d’une association ou d’un autre groupement à but non lucratif qui n’est ni constitué à des fins patronales, syndicales ou professionnelles, ni formé de membres dont la majorité sont des entreprises à but lucratif ou des représentants de telles entreprises ne sera pas considérée comme un lobbyiste d’organisation.

Si la présente capsule a pour objectif de développer de premiers réflexes en matière de lobbyisme, une analyse au cas par cas est encouragée afin de déterminer si une inscription est réellement requise, lorsque toutes les exceptions prévues à la Loi ont été évacuées. Compte tenu des délais, une telle analyse doit être effectuée rapidement suite à une communication auprès d’un titulaire de charge publique afin de déterminer si cette communication pourrait se qualifier à titre d’activité de lobbyisme.

Je suis un lobbyiste : Que dois-je faire ?

La déclaration initiale

Dans la mesure où vous êtes effectivement un lobbyiste en vertu de la Loi, vous devrez produire une déclaration initiale afin de vous inscrire au registre des lobbyistes.

Les renseignements à fournir comportent notamment les suivants :

  • le nom du lobbyiste, ainsi que les nom et adresse de son entreprise;
  • l’objet de ses activités de lobbyisme, ainsi que les renseignements utiles à sa détermination;
  • la période couverte par les activités de lobbyisme exercées;
  • le nom de l’institution parlementaire, gouvernementale ou municipale où le titulaire d’une charge publique avec qui il a communiqué ou compte communiquer exerce ses fonctions ainsi que la nature de ces fonctions;
  • le montant ou la valeur de ce qui a été reçu ou sera reçu en contrepartie de ses activités de lobbyisme (moins de 10 000 $, de 10 000 $ à 50 000 $, de 50 000 $ à 100 000 $ et 100 000 $ ou plus);
  • les moyens de communication qu’il a utilisés ou compte utiliser.

La fin des « déclarations passe-partout » ?

S’il pouvait être attrayant de préparer une déclaration très « englobante » (par exemple : « Effectuer des représentations auprès du Gouvernement pour l’obtention de divers contrats ») afin d’éviter la multiplicité et la précision des déclarations au registre, un avis récent du commissaire au lobbyisme laisse entendre que de telles déclarations risque d’être écartées, cette pratique n’atteignant pas, selon le commissaire, les objectifs de la Loi. L’avis du commissaire datant du 16 février 2012 indique notamment :

« L’objectif de la déclaration est de faire connaître de façon précise les activités de lobbyisme effectuées par un lobbyiste au moment où elles sont faites ainsi que les institutions publiques auprès desquelles ces activités sont exercées et la période couverte par celles-ci. Elle n’a pas pour but de servir pour toutes les situations pouvant survenir pendant une longue période. »

« La déclaration au registre doit contenir suffisamment de renseignements pour que la personne qui la consulte soit en mesure de connaître précisément, au moment de cette consultation, quelle décision le lobbyiste tente d’influencer. La déclaration doit de plus préciser quel besoin concret de l’institution publique le lobbyiste cherche à combler, quelle orientation il cherche à influencer, quel règlement il cherche à faire modifier, quel type de subvention ou d’avantage pécuniaire il cherche à obtenir, ou toute précision en ce sens. Les renseignements doivent également indiquer la finalité recherchée. Ainsi, dans le cas de représentations pour l’obtention d’un contrat de fourniture de services, la déclaration au registre doit spécifier, par exemple, le projet, l’infrastructure ou l’équipement de l’institution publique pour lequel les services seraient fournis ainsi que la nature de ces services. Elle ne peut se limiter à indiquer de façon générale que le lobbyiste fera des représentations dans le but d’obtenir des contrats de services dans un domaine ou un secteur donné. »

Un exercice plus précis dans la détermination des activités de lobbyisme et des titulaires de charge publique sera donc vraisemblablement exigé dans le cadre des inscriptions futures au registre.

Le Code de déontologie des lobbyistes et les sanctions pénales

Une personne qui omet de s’inscrire au registre des lobbyistes lorsque requis ou qui produit une déclaration contenant un renseignement qu’elle sait faux ou trompeur commet une infraction passible d’une amende allant de 500 $ à 25 000 $.

Par ailleurs, en plus de remplir son obligation d’inscription au registre, un lobbyiste doit également respecter les dispositions du Code de déontologie des lobbyistes adopté par le commissaire au lobbyisme et publié dans la Gazette officielle. Ce code a pour objet d’établir des normes de conduite applicables aux lobbyistes afin d’assurer le sain exercice des activités de lobbyisme et d’en favoriser la transparence. Une contravention au Code de déontologie des lobbyistes est une infraction passible d’une amende allant de 500 $ à 25 000 $.

D’autre part, si le commissaire au lobbyisme constate le non respect par un lobbyiste, de façon grave ou répétée, des obligations qu’imposent la Loi ou le Code de déontologie des lobbyistes, le commissaire peut interdire l’inscription au registre à ce lobbyiste ou ordonner la radiation d’une inscription existante le concernant pour une période d’au plus un an. L’exercice d’une activité de lobbyisme en contravention d’une telle décision du commissaire est une infraction passible d’une amende allant de 5 000 $ à
25 000 $.

D’autres situations peuvent également entraîner l’imposition de sanctions de nature pénale mais nous retiendrons, en bref, que si le lobbyisme n’est pas une maladie, un manque de diligence de la part d’un lobbyiste à l’égard des obligations que lui imposent la Loi ou le Code de déontologie des lobbyistes pourrait être la source de considérables maux de tête !

Une modification à la Loi en vue ?

Comme indiqué en introduction, le 8 mai 2012, le commissaire au lobbyisme transmettait à l’attention des membres de l’Assemblée nationale un rapport proposant des modifications substantielles à la Loi ayant entre autres pour objectif de conférer à cette loi « plus de dents ». Nous suivrons pour vous l’évolution de cette proposition du commissaire et consacrerons une prochaine capsule juridique à cet égard lorsqu’un projet de loi se concrétisera.

Dans l’attente, il nous apparaissait opportun de préciser les obligations qui découlent de la Loi actuelle, laquelle demeurera en vigueur jusqu’à son abrogation, permettant par le fait même de contextualiser l’arrivée éventuelle de cette nouvelle Loi sur le lobbyisme, le cas échéant.

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