Cannabis : protection du « consommateur »

Le cannabis est désormais un produit de consommation au Québec déjà encadré par un large éventail législatif restrictif, lequel comprend la Loi sur la protection du consommateur1 (la « Lpc »).

La Lpc est une loi d’ordre public dont on ne peut écarter l’application et s’applique à tout contrat conclu au Québec entre un consommateur, une personne physique qui se procure un bien ou un service à des fins personnelles, et un commerçant dans le cours des activités de son commerce.

I. La Lpc et le consommateur

Le champ d’application de la Lpc connaît peu de limite et la vente de cannabis ou la Société québécoise du cannabis n’ont pas été exclus de son champ d’application.

La Lpc vise le rétablissement d’un équilibre dans les relations contractuelles entre les commerçants et le consommateur et l’élimination des pratiques déloyales et trompeuses afin de sauvegarder l’existence d’un marché efficient où le consommateur peut intervenir avec confiance2. Le consommateur, au sens de la Lpc, est une personne vulnérable, crédule et inexpérimentée qui porte une attention moyenne à ses affaires.

La Lpc permet ainsi de rétablir l’équilibre entre les commerçants et le consommateur et d’améliorer la capacité du consommateur à faire des choix éclairés, sans lui retirer quelque bénéfice. En cas de doute ou d’ambiguïté, les intérêts du consommateur sont toujours favorisés3.

Alors que la Lpc vise une multitude de contrats et d’objets, les garanties qu’elle octroie au consommateur en lien avec l’achat de bien ou de service sont particulièrement d’intérêt en regard de ce nouveau produit de consommation désormais accessible au public de façon légitime.

II. Les garanties offertes au consommateur

La Lpc offre au consommateur une série de garanties légales de qualité et d’usage à l’acquisition d’un bien ou d’un service, dont les plus pertinentes au propos sont les suivantes :

a) Un bien doit pouvoir servir à l’usage auquel il est normalement destiné4;

b) Un bien doit pouvoir servir à usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, au contrat et aux conditions d’utilisation du bien5;

c) Un bien doit être conforme à sa description lors de la vente6;

d) Un bien doit être conforme à la déclaration ou au message, écrit ou verbal, fait à son sujet par le commerçant ou le fabricant7.

Ces garanties sont analogues à la garantie légale de qualité prévue au Code civil du Québec8 et visent à garantir au consommateur que l’usage du bien répond à ses attentes légitimes et n’est pas affecté d’un vice qui, si connu au moment de l’achat, n’aurait pas mené à la transaction en cause9.

De façon importante, les droits des consommateurs pour un manquement aux obligations découlant de la garantie de qualité prévue à la Lpc peuvent être exercés envers le vendeur du bien, ou encore directement contre son fabricant10.

Juridiquement, l’usage auquel est normalement destiné le cannabis et les attentes légitimes d’un consommateur lors de son achat ou de sa consommation demeurent à être éclaircis. Néanmoins, il est permis d’entrevoir que l’usage de ce produit pourrait ne pas rencontrer les attentes légitimes du consommateur à son égard ou, inversement excéder ses attentes et créer des effets ou conséquences non désirés lors de son acquisition.

Pour le fabricant ou le commerçant québécois de cannabis, ses considérations peuvent être d’importance dans la mise en marché de ce produit et les attributs qui sont présentés au consommateur lors de sa vente. L’industrie aurait avantage à s’intéresser au développement d’une divulgation détaillée des attributs du cannabis et de ses effets possibles à être remise au consommateur lors de sa vente, à l’image de la monographie associée aux médicaments et drogues de prescription11.

III. Les pratiques interdites

La Loi constituant la Société québécoise du cannabis, édictant la Loi encadrant le cannabis et modifiant diverses dispositions en matière de sécurité routière12 encadre déjà restrictivement la promotion et la publicité du cannabis.

À titre de rappel et de façon générale, la Lpc impose les obligations suivantes aux commerçants, fabricants ou publicitaires, sans égard à la conclusion d’un contrat ou la vente d’un produit ou d’un service13 :

a) Aucun commerçant, fabricant ou publicitaire ne peut faire une représentation fausse ou trompeuse à un consommateur;

b) Aucun commerçant, fabricant ou publicitaire ne peut faussement attribuer à un bien un avantage particulier ou des caractéristiques particulières;

c) Aucun commerçant, fabricant ou publicitaire ne peut, dans ses représentations, passer sous silence un fait important.

IV. Les sanctions du non respect de la Lpc

La Lpc offre des recours civils aux consommateurs pour sanctionner toute violation de ses dispositions, que ce soit en regard d’une règle de formation ou le non respect d’une exigence de forme d’un contrat, ou un manquement à une autre obligation.

De façon usuelle, les manquements à la Lpc sont sanctionnés par le truchement de l’article 272 Lpc qui prévoit un mécanisme d’indemnisation du consommateur, incluant l’octroi de dommages compensatoires et de dommages punitifs.

272. Si le commerçant ou le fabricant manque à une obligation que lui impose la présente loi, un règlement ou un engagement volontaire souscrit en vertu de l’article 314 ou dont l’application a été étendue par un décret pris en vertu de l’article 315.1, le consommateur, sous réserve des autres recours prévus par la présente loi, peut demander, selon le cas:

a)  l’exécution de l’obligation;

b)  l’autorisation de la faire exécuter aux frais du commerçant ou du fabricant;

c)  la réduction de son obligation;

d)  la résiliation du contrat;

e)  la résolution du contrat; ou

f)  la nullité du contrat,

sans préjudice de sa demande en dommages-intérêts dans tous les cas. Il peut également demander des dommages-intérêts punitifs.

Lorsqu’il trouve application, l’article 272 Lpc entraîne une présomption irréfragable de préjudice en faveur du consommateur pouvant s’appliquer à toutes les contraventions aux obligations imposées par la Lpc, visant à la fois la violation de règles de fond de la Lpc, la commission de pratiques de commerce interdites ou le comportement du commerçant sachant ou ne pouvant ignorer violer la loi14. Cette réalité empêche le commerçant de faire la preuve d’une absence de préjudice du consommateur pour éluder sa responsabilité.

Pour leur part, l’octroi de dommages-intérêts au-delà des remèdes spécifiquement prévus par cette disposition demeure tributaire des règles relatives à la responsabilité civile, tandis que l’octroi de dommages punitifs sera tributaire de la démonstration d’une conduite du commerçant marquée d’ignorance, d’insouciance ou de négligence sérieuse à l’égard de ses obligations et des droits du consommateur.

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L’application ou l’usage de la Lpc envers le cannabis n’a pas encore été soumis au test des tribunaux, bien que cet avènement apparaisse inévitable à court, moyen ou long terme sans intervention législative pour exclure ou limiter la portée de la Lpc envers ce produit.

Les acteurs de cette industrie naissante ont intérêt à être sensibilisés aux obligations prévues par la Lpc, notamment afin d’assurer le succès de leurs affaires et de maintenir de saines et lucides relations avec leurs consommateurs.


1 RLRQ, chapitre P-40.1.
2 Richard c. Time Inc., [2012] 1 R.C.S. 265; Banque de Montréal c. Marcotte, [2014] 2 R.C.S. 725.
3 Lpc, article 17; Code civil du Québec, article 1432.
4 Lpc, article 37.
5 Lpc, article 38.
6 Lpc, article 40.
7 Lpc, articles 41 et 42.
8 Code civil du Québec, articles 1726 et suivants.
9 Fortin c. Mazda Canada inc., 2016 QCCA 31.
10 Lpc, articles 53 et 54.
11 La Lpc aura fréquemment servi d’encrage à des réclamations en matières pharmaceutiques ou pharmacologiques lorsque la consommation d’un médicament aura entraîné des effets néfastes sur la santé.
12 L.Q. 2018, chapitre 19.
13 Lpc, articles 215 et suivants.
14 Richard c. Time Inc., supra; Service aux marchands détaillants ltée (Household Finance) c. Option Consommateurs, 2006 QCCA 1319, Requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada rejetée; Contat c. General Motors du Canada ltée, 2009 QCCA 1699, Requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada rejetée.