Renonciation à la résiliation unilatérale du client : la clause peut survivre lors de la reconduction du contrat

Le Code civil du Québec1 prévoit qu’un client peut résilier unilatéralement un contrat de service même si la réalisation de l’ouvrage ou la prestation de services a déjà été entreprise. Ce droit de résiliation unilatérale entraîne l’obligation pour le client de réparer le préjudice subi par le prestataire de services, à savoir l’obligation de payer au prestataire de services les frais et dépenses engagés par ce dernier, la valeur des travaux exécutés au jour de la résiliation ainsi que, dans certains cas, la valeur des biens fournis2

Au fil des ans, les tribunaux québécois ont reconnu le droit par le client de renoncer à son droit de résilier unilatéralement le contrat de service3. Toutefois, cette renonciation doit faire l’objet d’une stipulation précise, claire et acceptée par le client en toute connaissance de cause. Telle renonciation doit être faite de manière claire et non équivoque. Une clause prévoyant une telle renonciation est fréquemment intégrée à un contrat de service. 

Dans la décision Services Matrec Inc. c. CFH Sécurité Inc.4, la Cour d’appel s’est penchée sur la question de savoir si une renonciation au droit à la résiliation unilatérale du contrat de service par le client survit lors de la reconduction d’un contrat. 

Dans cette affaire, CFH Sécurité Inc. (« CFH ») avait retenu les services de Services Matrec Inc. (« Matrec ») pour la collecte de déchets à sa place d’affaires. Un contrat était intervenu entre les parties pour une durée de cinq ans, lequel était renouvelable automatiquement à son échéance. Le contrat prévoyait également une renonciation expresse de CFH à son droit de résiliation unilatérale et une clause pénale en cas de résiliation, obligeant notamment Matrec à rembourser les frais de livraison, d’installation et de reprise de l’équipement ainsi qu’à payer une somme équivalente à 12 mois de services. 

Le contrat s’étant renouvelé automatiquement à la fin de son terme, CFH envoie à Matrec, suivant le renouvellement, un avis de résiliation du contrat. Matrec, quant à elle, réclame de CFH les sommes qu’elle considère dues suivant les modalités de la clause pénale compte tenu que la résiliation unilatérale n’était pas autorisée en vertu du contrat. 

Cassant le jugement rendu par la Cour du Québec en première instance, la Cour d’appel a reconnu que la renonciation au droit de résiliation unilatérale pouvait faire l’objet d’une reconduction. 

En effet, la Cour d’appel précise que le contrat a été reconduit automatiquement aux mêmes conditions que le contrat initial, sans qu’aucun geste ne soit posé par l’une ou l’autre des parties, sans qu’aucune discussion ni négociation ne soit intervenue entre les parties relativement à un élément essentiel du contrat, tel que le prix. La Cour d’appel considère donc qu’en prévoyant cette reconduction automatique, les parties ont convenu de maintenir en vigueur le contrat existant au-delà du terme initialement prévu, et ce, selon les mêmes modalités, incluant la renonciation au droit de résiliation. 

Ce jugement de la Cour d’appel vient donc préciser que la renonciation au droit de résiliation unilatérale survit à une reconduction automatique d’un contrat. Il faudra donc faire preuve de rigueur et de prudence dans la rédaction de telles clauses afin de s’assurer de bien refléter l’intention des parties.


1 Article 2125 du Code civil du Québec.
2 Article 2129 du Code civil du Québec.
3 Par exemple, MCA Valeurs mobilières inc. c. Valeurs mobilières Marleau, Lemire inc., 2007 QCCA 92.
4 2014 QCCA 221.

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