Préparer la prochaine génération des accords de redevances calculées à la sortie de la fonderie au Québec

L’article a d’abord été publié dans le Canadian Institute of Mining Magazine, Vol. 10, No. 5 (Août/Septembre 2015).

Il n’est pas rare qu’une opération portant sur une propriété minière comprenne le paiement d’une redevance dans la contrepartie du vendeur, comme la redevance tirée du rendement net de fonderie (NSR, de l’anglais Net Smelter Return). En vertu de ce type d’entente, le détenteur d’une NSR reçoit généralement un pourcentage de la valeur de la production ou du produit net tiré d’une fonderie ou d’une raffinerie par le concédant. 

Un jugement prononcé le 6 août 2013 par la Cour d’appel du Québec dans l’affaire Anglo Pacific Group PLC c. Ernst & Young Inc. renferme des dispositions importantes pour les détenteurs de NSR dans des projets miniers au Québec. Il souligne notamment que les accords coutumiers portant sur une NSR et qui figurent au Registre minier n’ont pas force exécutoire contre des tiers en vertu du droit civil du Québec. 

Dans la foulée du jugement Anglo Pacific, les vendeurs de propriétés minières au Québec devraient porter une attention particulière au libellé des accords de NSR. Ils auraient aussi intérêt à solliciter des conseils professionnels pour limiter le risque de voir un jour leurs redevances perdre toute valeur. Il existe souvent des moyens de structurer les opérations portant sur des propriétés minières et comprenant un accord de NSR de manière à accroître leur force exécutoire. 

En résumé, la Cour a statué qu’une NSR n’a de force exécutoire contre des tiers que si elle crée un droit réel – par opposition à un droit personnel – sur la propriété minière. Un droit réel confère à son titulaire un pouvoir direct sur une chose ou un bien et peut être opposé à n’importe quelle personne, à condition que les exigences de publication soient satisfaites. Un droit réel est lié à la propriété et l’accompagne. Autrement dit, le détenteur de ce droit peut « suivre » la propriété même si elle change de mains. Un droit personnel, en revanche, peut uniquement être opposé personnellement au concédant de la redevance en vue de l’exécution d’une obligation. Par conséquent, si la concession minière ou le bail minier sous-jacents sont transmis à un tiers ou si le concédant devient insolvable, une redevance « personnelle » devient inexécutable (et donc inutile, comme ce fut le cas pour la NSR d’Anglo Pacific). 

Le jugement de la Cour d’appel a également permis de définir plus clairement le régime applicable à la publicité légale : les droits miniers réels – les baux miniers, par exemple – inscrits dans le Registre minier ont force exécutoire à l’égard de l’État seulement. Pour pouvoir être opposés à d’autres tiers, les droits miniers réels doivent être publiés dans le registre des droits réels d’exploitation de ressources de l’État du Registre foncier du Québec (sauf en présence d’une exemption en vertu de la Loi sur les mines). Il est donc important de porter une attention particulière à l’inscription des droits miniers dans les registres appropriés. 

Récemment, nous avons représenté un groupe de propriétaires miniers dans le cadre d’une opération de vente d’une propriété minière qui comprenait une NSR. Bien que la Cour d’appel soutienne qu’il est possible de créer une redevance minière conférant un droit de propriété limité (ce qui constitue en fait un « fractionnement » du droit de propriété) et qu’elle ait indiqué la façon d’y parvenir, en pratique, les accords de redevances sont rarement rédigés de manière à accorder au titulaire des redevances de tels droits directs sur les concessions minières, les baux miniers ou les substances minérales extraites. 

Notre défi était donc double : établir un accord qui conférerait des droits réels suffisants aux détenteurs des redevances (définis dans l’accord comme les « ayants droit »), et permettre aux nouveaux propriétaires miniers d’exercer leurs activités courantes sans contraintes déraisonnables. L’accord auquel nous avons abouti était conforme à ces critères : il conférait à la société minière les avantages d’un accès sans entraves à sa propriété nouvellement acquise, nonobstant les droits immobiliers et les garanties des ayants droit, en échange du paiement d’une redevance en temps voulu. Les droits réels sont quantifiés en pourcentage du volume de minéraux présents dans la propriété ou extraits de celle-ci. De même, les ayants droit peuvent en tout temps, et pour n’importe quelle période, décider de se faire payer ces droits en nature (par la livraison de minéraux extraits). Le cas échéant, le versement des redevances cesse pendant la période visée. En outre, un intérêt réversif prévu dans l’accord permettait aux ayants droit de réclamer des portions de la propriété dans certaines circonstances, notamment en cas de caducité ou d’abandon de la propriété par la société minière ou de renoncement à ladite propriété. 

Nous avons également dû surmonter certains obstacles lors de la publication du document ayant résulté de l’accord, intitulé « Real Rights and Royalty Agreement », dans le Registre foncier du Québec. Le Registre n’avait jamais géré la publication d’un droit réel « sans nom » résultant du fractionnement de droits de propriété, et il n’avait pas de catégorie prédéterminée sous laquelle publier l’accord. Celui-ci a donc été publié à l’égard de la propriété en tant que « cession », compte tenu du fait que l’accord portait également sur le transfert initial de la propriété minière des ayants droit à la société minière. 

Comme les leçons à tirer du jugement Anglo Pacific restent largement théoriques et n’ont pas vraiment été soumises à l’épreuve de la réalité, il pourrait y avoir différentes manières de structurer ces accords de NSR de « nouvelle génération » au Québec. Cela dit, d’un cas à l’autre, l’objectif reste le même : atteindre un juste équilibre entre les obligations juridiques établies par la Cour d’appel et les réalités commerciales avec lesquelles les parties contractantes doivent composer.

Flèche vers le haut Montez