Mise en place du Tribunal administratif du travail et de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail

Le 12 juin 2015 fut sanctionné le projet de loi 42 intitulé Loi regroupant la Commission de l’équité salariale, la Commission des normes du travail et la Commission de la santé et de la sécurité du travail et instituant le Tribunal administratif du travail (ci-après « la Loi »). Celle-ci a été publiée dans la Gazette officielle le 16 septembre dernier.

Le Tribunal administratif du travail

Cette Loi aura un effet pour le moins marquant sur la structure des organes décisionnels en droit du travail. En effet, elle abolit la Commission des relations du travail et la Commission des lésions professionnelles. Dès le 1er janvier 2016, c’est le Tribunal administratif du travail (le « TAT ») qui assumera les compétences afférentes à ces commissions.

Le TAT comportera quatre divisions, soit la division des relations du travail, la division de la santé et de la sécurité du travail, la division des services essentiels ainsi que la division de la construction et de la qualification professionnelle.

La division des relations du travail sera compétente pour décider notamment des affaires découlant de l’application du Code du travail et de la Loi sur les normes du travail (principalement les recours en cas de harcèlement psychologique, de pratiques interdites et de congédiements sans cause juste et suffisante).

De son côté, la division de la santé et de la sécurité du travail sera compétente pour entendre les affaires découlant de l’application des articles 359, 359.1, 450 ou 451 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, ainsi que les affaires découlant de l’application des articles 37.3 et 193 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Il s’agit de la juridiction qui est présentement assumée par la Commission des lésions professionnelles.

La division des services essentiels, quant à elle, sera compétente pour entendre les affaires découlant de l’application du chapitre V.1 du Code du travail (dispositions particulières applicables aux services publics et aux secteurs public et parapublic).

Enfin, la division de la construction et de la qualification professionnelle sera compétente pour entendre les affaires découlant de l’application des dispositions de diverses lois, dont la Loi sur la formation et la qualification professionnelles de la main-d’œuvre et la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction.

La Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail

Les changements institutionnels ne s’arrêtent cependant pas là. En effet, la Loi institue la nouvelle Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (la « Commission ») qui remplacera la Commission de l’équité salariale, la Commission des normes du travail (CNT) et la Commission de la santé et sécurité du travail (CSST), et ce, dès le premier janvier 2016. Ces trois commissions seront, par le fait même, abolies.

La procédure devant le TAT

Un des changements majeurs relatifs à cette Loi a indubitablement trait à l’introduction des causes devant les différentes instances du TAT. À l’instar du Code de procédure, la Loi prévoit que toute affaire sera introduite par un acte de procédure appelé « acte introductif »1 qui devra être déposé à l’un des bureaux du TAT situés à Montréal, Québec ou toute autre région administrative ayant un nombre d’affaires suffisant afin de posséder un bureau. Il semble toutefois que si les causes doivent être introduites aux bureaux désignés du TAT, ce tribunal pourra néanmoins siéger à tout endroit au Québec. Au surplus, il est prévu dans la nouvelle Loi que lorsque le TAT tiendra audience dans une municipalité où siège un tribunal judiciaire, le TAT utilisera une salle d’audience de ce tribunal.2

La particularité de la procédure afférente à la nouvelle Loi provient du fait que l’acte introductif déposé devant le TAT devra préciser les conclusions recherchées, tout en exposant les motifs invoqués au soutien de celles-ci. Ce changement pourra provoquer un impact tangible dans le cadre des plaintes de harcèlement psychologique, notamment.

Qui plus est, ce n’est pas la Commission qui recevra l’acte introductif, mais bien le TAT qui sera ensuite chargé d’en délivrer copie aux autres parties et à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité au travail. Cette dernière aura, par la suite, 20 jours afin de transmettre au TAT et à chacune des parties une copie du dossier qu’elle possède relativement à la décision contestée.3

Le TAT aura un droit d’accès aux dossiers de la Commission relativement à une cause relevant de la juridiction de la santé et de la sécurité au travail.4

Dans un autre ordre d’idées, nul ne sera surpris de la présence de dispositions mettant de l’avant un processus de conciliation prédécisionnel5, cela allant de pair avec l’effort global du législateur de favoriser les modes alternatifs de règlement, comme en témoignent les dispositions du nouveau Code de procédure civile.

Dans une optique plus pragmatique, les audiences devant le TAT seront d’office instruites devant un seul membre du TAT, hormis dans certains cas exceptionnels et uniquement sous recommandation du président, où elles pourront être présidées par trois membres.6 Le président aura également le pouvoir de déterminer qu’une affaire soit jugée d’urgence7 et de nommer des assesseurs dans des causes relevant de la division de la santé et sécurité du travail.8

En ce qui concerne les décisions du nouveau tribunal, celles-ci seront soumises à une révision interne en cas de découverte d’un fait nouveau, de vice de fond ou de non-respect de la garantie procédurale de se faire entendre. Une demande en révision devra également être formée par requête déposée devant le tribunal dans un délai raisonnable de la connaissance du fait nouveau ou du manquement entachant la décision.9 Une décision du TAT sera sans droit d’appel et sera exécutoire selon les modalités qui y seront indiquées.10 Ces décisions seront, bien sûr, soumises au pouvoir de surveillance et de contrôle de la Cour supérieure.

Bien que la Loi soit assez exhaustive en ce qui concerne la procédure afférente au TAT, le Législateur y a prévu, et ce, à l’instar du Code de procédure civile, une disposition permettant aux membres du TAT de suppléer toute absence de dispositions, en créant une procédure compatible avec la Loi et ses règles de preuve et procédure.11

La Transition

La Loi prévoit que toute affaire pendante devant la CRT ou la CLP est continuée devant le TAT et sa division compétente, tout comme les affaires dont l’audition a déjà été entreprise. Ces affaires seront continuées et décidées par le même commissaire devenu membre du TAT.12 Cela implique nécessairement que le mandat des commissaires de la CLP et de la CRT est continué à titre de membre du TAT.13 En revanche, le mandat administratif des présidents et vice-présidents de la CLP et de la CRT, tout comme celui des membres de la CLP14, prendront fin le 31 décembre prochain.15

Il est également prévu à la Loi que dans le cadre de la transition au TAT, et concernant les affaires pendantes et déjà entreprises, il sera possible d’écarter les nouvelles règles de procédures afin d’appliquer les anciennes si le changement législatif causait préjudice aux parties. Cependant, pour les affaires dont l’audition a déjà commencé, ce sont les anciennes règles de preuve et de procédures qui demeureront en vigueur.16

En tout état de cause, jusqu’à l’adoption d’un règlement édictant l’ensemble des règles de preuve et de procédure applicables au TAT17, les règles actuelles devant la CLP et la CRT demeureront applicables à titre supplétif, mais uniquement si elles ne sont pas en conflit avec l’essence de la nouvelle Loi.18

Conclusion

Nul doute que la mise en place du TAT et de la nouvelle Commission aura un impact significatif sur la structure des organes décisionnels en droit du travail, de l’emploi et de la santé et la sécurité du travail. Ces changements permettront une certaine uniformisation des règles relatives aux instances décisionnelles en ces matières. Les impacts de la nouvelle procédure introductive d’instance seront certes à examiner de près, et ce, dès le retour des Fêtes. À suivre, définitivement.


1 Art. 11.
2 Art. 36.
3 Art. 13.
4 Art. 13.
5 Art. 21 à 25.
6 Art. 29.
7 Art. 31.
8 Art. 30 et 84.
9 Art. 49-50.
10 Art. 51.
11 Art. 43.
12 Art. 261.
13 Art. 258.
14 Les membres de la CLP nommés en vertu de l’article 385 de la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnels, mais excluant les commissaires.
15 Art. 259-260.
16 Art. 262.
17 Art. 115.
18 Art. 263.

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