Les contrats de services en ligne gratuits rattrapés par la législation québécoise sur la protection des consommateurs

Cet automne, la Cour supérieure du Québec a rendu une décision contre Yahoo! Inc. et Yahoo! Canada Co. (« Yahoo! ») qui expose les entreprises offrant des services gratuits sur Internet à l’application de la législation sur la protection des consommateurs, y compris les dispositions impératives de la Loi sur la protection du consommateur (« LPC ») du Québec. Ce faisant, la Cour a déclaré les clauses attributives de compétence inapplicables dans le cadre des services acceptés par les utilisateurs au moment de l’inscription.

Dans cette affaire, Yahoo! était visée par une demande pour l’autorisation d’exercer une action collective relative à des incidents, en 2013 et 2014, impliquant la sécurité des données des utilisateurs. En effet, des renseignements personnels et financiers d’utilisateurs avaient été volés. Contestant la compétence des tribunaux québécois, Yahoo! invoquait la clause d’élection de for prévue aux conditions de service pour invoquer qu’elle ne pouvait être poursuivie devant le système de justice québécois. Cette clause avait entraîné, selon Yahoo! la renonciation, par les utilisateurs, à la compétence des tribunaux québécois en faveur de ceux de l’Ontario.

En refusant d’accueillir la demande de Yahoo! visant le rejet de la demande d’autorisation d’exercer l’action collective, la Cour a explicitement renversé la jurisprudence antérieure. En effet, cette jurisprudence énonçait que les contrats relatifs aux services en ligne fournis gratuitement ne constituaient pas des contrats de consommation et que par conséquent, l’interdiction de choisir une juridiction en vertu de la LPC ne s’appliquait pas (St-Arnaud c. Facebook inc.).

En rendant cette décision, la Cour s’est largement appuyée sur la cause récente Douez c. Facebook, Inc., où la Cour suprême du Canada a conclu que les conditions d’utilisation des services de Facebook constituaient un contrat d’adhésion, en matière de consommation. La Cour suprême soutient cette analyse puisque les utilisateurs renoncent, par leur acceptation des conditions d’utilisation, à des droits, et ce, sans avoir la possibilité de négocier. Pour cette raison notamment, la Cour suprême a jugé que la clause d’élection de for autrement valide ne pouvait être appliquée.

Bien que la décision Yahoo! n’ait pas spécifiquement considéré les répercussions de la qualification des services offerts gratuitement sur Internet comme contrats de consommation, celles-ci seront notables au Québec à l’égard de ces fournisseurs de services, pensons aux réseaux sociaux, aux développeurs d’applications ou encore aux services de recherche. En qualifiant les conditions d’utilisation de Yahoo! de contrats de consommation, et ce, malgré la gratuité des services, la Cour a ouvert la voie à l’application de la législation sur la protection des consommateurs ainsi qu’à un changement fondamental des droits et obligations des fournisseurs de services.

L’application de la législation sur la protection des consommateurs à ces services aura nécessairement des conséquences, comme le décrit explicitement la décision Yahoo!, à l’égard de la juridiction où le fournisseur de services pourra être exposé à un recours judiciaire. Il est intéressant de souligner qu’en plus d’interdire les clauses d’élection de for, le droit québécois invalide les clauses d’arbitrage prévues dans les contrats de consommation.

Par conséquent, indépendamment des termes contractuels régissant les utilisateurs à l’échelle internationale, une poursuite pourra être intentée au Québec dans le cas où un demandeur établit un facteur de rattachement à la compétence d’un tribunal québécois. Dans le cas de Yahoo!, le tribunal a conclu que les allégations relatives aux dommages dans les procédures suffisaient à établir le lien nécessaire. Concrètement, cela signifie que dans le cas où un utilisateur réside au Québec et allègue y avoir subi des dommages, les tribunaux du Québec auront compétence pour trancher une poursuite judiciaire visant le fournisseur de services.

En outre, les clauses désignation de loi ne sont pas valides dans les contrats de consommation. Le tribunal saisi d’un dossier visant un fournisseur de services appliquera donc le droit québécois dans le cadre de son analyse des droits et obligations des parties.

Il ressort de cette décision que les entreprises offrant des services gratuits sur Internet à des utilisateurs québécois, peu importe où elles sont établies, pourraient être assujetties à la compétence des tribunaux québécois et à l’application des lois québécoises et canadiennes. Dans l’intervalle, les fournisseurs de services devraient réviser leurs contrats, leurs politiques et leurs produits en perspective des lois applicables aux contrats de consommation au Québec.

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