Langlois gagne une importante cause portée devant la Cour d’appel

Le 29 février 2012, la Cour d’appel du Québec a rendu une décision longuement attendue dans la bataille juridique opposant Canadian Royalties et Nearctic Nickel Mines concernant leur participation respective dans une propriété minière de la région du Plan Nord,  et identifiée comme la propriété Expo-Ungava (la « propriété »). Une minéralisation importante a été découverte sur la propriété située juste au sud de la mine Raglan de Xstrata. Cette propriété est actuellement exploitée par Canadian Royalties, laquelle a investi plus de 500 M$ dans le développement de son Projet Nunavik Nickel.

Dimitri Maniatis et Stefan Chripounoff ont plaidé la cause de Canadian Royalties devant la Cour d’appel du Québec.

La Cour d’appel a été saisie de deux questions d’importance relativement à l’autonomie et aux limites de l’arbitrage commercial dans la province de Québec. La première question visait à déterminer si un arbitre pouvait rechercher et faire respecter l’intention commune des parties hors du cadre de leur entente écrite, quand la preuve révélait que ladite entente n’établissait pas adéquatement l’accord entre les parties. Canadian Royalties a répondu par l’affirmative et avancé que les arbitres avaient les mêmes droits d’interprétation que les juges. Nearctic Nickel Mines soutenait que l’arbitre, contrairement au juge, devait s’en tenir à faire respecter l’entente écrite. Selon Nearctic Nickel Mines, s’écarter des dispositions du contrat liant les parties équivalait à réécrire l’entente entre les parties, ce qui serait interdit par le paragraphe 944.10(3) du Code de procédure civile (CPC) Cette disposition, stipule que les arbitres doivent « dans tous les cas décider conformément aux stipulations du contrat ».

La Cour d’appel a réexaminé ses conclusions dans l’arrêt de principe Coderre c. Coderre1 et établi que cette affaire ne pouvait pas servir à conclure qu’un arbitre ne peut avoir recours à l’interprétation pour déterminer l’intention commune réelle entre les parties. Cependant, cette interprétation doit être faite selon les règles de droit applicables. De plus, selon la Cour d’appel :

Intentionally inaccurate interpretation is without question an excess of jurisdiction, as is interpretation devoid of any reasonable foundation. Hence, an arbitrator cannot pretend to determine the true intentions of the parties while, as a matter of fact, modifying their rights by adding to or removing from the agreement obligations which are the result of the meeting of the parties’ minds.

En ce qui a trait à une autre question juridique importante, la Cour d’appel du Québec a maintenu que les arbitres avaient le pouvoir de rendre des ordonnances d’exécution en nature afin d’obliger une partie à exécuter ses obligations contractuelles. La Cour d’appel a ainsi réaffirmé ses conclusions dans l’affaire Services Bérubé ltée c. General Motors du Canada ltée2 , c’est à dire qu’une injonction n’est requise que lorsqu’il y a une possibilité réelle que le respect de l’ordonnance demandée ne pourrait être assuré que par des sanctions à caractère pénal imposées par l’État en cas de non respect3 . Établissant la distinction entre une ordonnance d’exécution en nature et une injonction, la Cour d’appel a émis les remarques suivantes :

In order to appreciate whether an arbitrator issued a particular order which would be tantamount to an injunction, one should look at the commercial agreement, determine the true intention of the parties and decide whether, in light of all the circumstances, the pith and substance of the order truly constitutes an injunction with all of its know penal implications or whether it is more of a declaratory nature which serves the purpose of giving full effect to the Arbitrator’s determination of the parties’ rights.

Le jugement de la Cour prend toute son importance au moins à trois égards. Premièrement, il confirme qu’un arbitre a la même latitude qu’un juge pour interpréter les contrats. Si le droit du Québec s’applique au contrat, les mêmes règles d’interprétation s’appliquent que l’on soit devant un juge ou un arbitre. Deuxièmement, même en l’absence d’une stipulation législative ou contractuelle spécifique à cet effet, les arbitres ont le pouvoir d’obliger les parties à exécuter leurs obligations contractuelles en émettant des ordonnances d’exécution en nature. Jusqu’à l’avènement de l’affaire Services Bérubé ltée c. General Motors du Canada ltée et de la présente affaire, cette question était âprement débattue.
Troisièmement et finalement, ce jugement reconnaît la portée limitée d’examen d’un juge une fois la sentence arbitrale rendue. Un juge à qui l’on demande d’infirmer une sentence arbitrale ne peut le faire que dans des circonstances extrêmement limitées et ne peut assurément pas réexaminer le mérite de la décision rendue par l’arbitre quant au fond du différend entre les parties. Confronté à la prétention que l’arbitre a « réécrit » le contrat sous le couvert de l’interprétation, un juge doit simplement évaluer si l’arbitre « a suivi le chemin de l’interprétation » et non si l’interprétation était fondée ou correcte.

1 Coderre c. Coderre, [2008] R.J.Q. 1245.
2 Services Bérubé ltée c. General Motors du Canada ltée, J.E. 2011-603, 2011 QCCA 567.
3 Ibid., art. 93

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