La location à court terme en copropriété divise

Cet article a d’abord paru dans le numéro d’hiver 2017 du magazine Copropriété Plus. 

À la suite de la recrudescence des plates-formes promouvant et facilitant la location à court terme, telles Airbnb, VRBO, HomeAway et plusieurs autres, nous assistons à la multiplication des litiges, jugements, articles et mythes relatant les horreurs vécues par certains locateurs (et leurs voisins) dans le cadre de la location à court terme. Ceci devrait favoriser et inciter les copropriétaires et leur syndicat de copropriété à réfléchir aux impacts pouvant découler de la location à court terme d’unités de copropriété et, au besoin, de la mise en place de mesures de prévention et d’encadrement. 

Comme il est possible de le constater à la lumière de la jurisprudence sur le sujet, la location à court terme d’unités de copropriété peut entraîner de nombreux désagréments et causer d’importants troubles de voisinage. En effet, les différents copropriétaires d’un même immeuble ne sont pas seulement voisins; ils profitent et partagent aussi maints espaces communs. Les histoires de fêtes tardives et d’abus de locataires entraînant non seulement des bruits excessifs, mais aussi parfois la souillure, voire la dégradation des unités louées et des espaces communs sont nombreuses. Par ailleurs et de façon moins extrême, la seule augmentation de la circulation dans l’immeuble et de l’utilisation de certains espaces communs, telles les terrasses et piscines, est susceptible de causer un désagrément aux copropriétaires d’un immeuble autrement calme. 

Afin d’éviter ces désagréments, les copropriétaires devraient se concerter afin de déterminer s’il y a lieu de modifier le règlement de l’immeuble afin de prohiber ou d’encadrer de telles locations à court terme. Dans ce cas, il pourrait être opportun d’en profiter pour y ajouter une clause pénale visant à décourager de potentiels copropriétaires contrevenants. 

Quant à la modification du règlement de l’immeuble, le Code civil du Québec prévoit qu’on « ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires, sauf celles qui sont justifiées par la destination de l’immeuble, ses caractères ou sa situation »1. Ainsi, il sera important de revoir dans ce contexte la destination de l’immeuble, telle que prévue à la déclaration de copropriété, ainsi que sa situation et ses caractères particuliers, et ce, avant de modifier le règlement de l’immeuble afin de restreindre ou de prohiber le louage à court terme. 

Si, toutefois, les copropriétaires souhaitent autoriser la location à court terme, il serait pertinent de vérifier si cette utilisation est permise par le règlement municipal de zonage applicable. Le syndicat de copropriété devrait par ailleurs vérifier auprès de son assureur que les assurances qu’il a souscrites sur l’immeuble couvrent les risques associés aux locations à court terme de parties privatives et en vérifier l’effet sur le coût des primes payables, et ce, avant de déclarer que ce genre de pratique est autorisé dans l’immeuble. 

Par ailleurs, le syndicat de copropriété devrait s’assurer que les copropriétaires louant leur unité ou leurs unités à court terme respectent leur obligation de notifier au syndicat de copropriété la location de leur partie privative, tel que prévu au Code civil du Québec2

Nous croyons également opportun de rappeler que le Règlement sur les établissements d’hébergement touristique3 prévoit à son premier article que « Constitue un établissement d’hébergement touristique tout établissement dans lequel au moins une unité d’hébergement est offerte en location contre rémunération, pour une période n’excédant pas 31 jours, à des touristes sur une base régulière lors d’une même année civile et dont la disponibilité de l’unité est rendue publique»(nos soulignés) 

Ainsi, un copropriétaire louant régulièrement à des touristes une ou plusieurs unités de copropriété lui appartenant, pour de courtes durées, par l’entremise d’une plate-forme telle Airbnb, ou par simple annonce dans le journal, se retrouve en fait à exploiter un établissement d’hébergement touristique et est donc assujetti à plusieurs obligations législatives. Ces obligations sont notamment l’obtention d’une attestation de classification, laquelle devra être affichée à la vue du public à l’entrée principale de l’établissement, la conformité de l’usage projeté de l’unité avec la réglementation municipale d’urbanisme et la détention d’une assurance responsabilité civile d’un montant minimum de 2 000 000 $ par événement, couvrant les risques liés à l’exploitation de l’établissement d’hébergement touristique. 

Nul ne doute que la plupart des locations à court terme par des copropriétaires ne sont pas faites en respect des obligations législatives ci-haut mentionnées, ce qui pourrait exposer le locateur à court terme à des amendes extrêmement salées4.


1 Code civil du Québec, (RLRQ, chapitre CCQ-1991), article 1056
2 Code civil du Québec, (RLRQ, chapitre CCQ-1991), article 1065
3 Règlement sur les établissements d’hébergement touristique (RLRQ, chapitre E-14.2, r. 1)
4 Loi sur les établissements d’hébergement touristique (RLRQ, chapitre E-14.2), articles 36.1 et suivants

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