La gestion des ressources humaines à l’ère des médias sociaux

Il y a quelques années, peu de personnes auraient pu s’imaginer à quel point Internet et les médias sociaux joueraient un rôle majeur au sein de notre société. Les employeurs n’y échappent pas. Ils sont maintenant nombreux à utiliser ces outils dans plusieurs aspects de la gestion des ressources humaines : recrutement, embauche, mesures disciplinaires, etc. 

Êtes-vous de la partie? 

Recrutement 

Selon un sondage réalisé aux États-Unis par la firme Jobvite, 94 % des entreprises américaines ont fait appel aux médias sociaux dans le cadre du processus d’embauche en 2012. Il s’agissait, dans ce cas, d’une hausse de 89 % en comparaison avec l’année 2011. Au Québec, la proportion des entreprises utilisant les médias sociaux à des fins de recrutement est moins élevée – on parle plutôt d’environ 49 %, mais elle est appelée à augmenter. 

Le recrutement « social » est surtout caractérisé par une veille, une recherche active de candidats, une consultation de leurs projets et un premier contact avec des candidats prometteurs. Les médias sociaux les plus utilisés par les entreprises sont LinkedIn, Facebook et Twitter. 

Mais les employeurs ne sont pas les seuls à utiliser Internet et les médias sociaux pour choisir leurs candidats. Les chercheurs d’emploi sont nombreux à naviguer sur le Web à la recherche de renseignements concernant de potentiels employeurs. 

Récemment, des sites Internet de type « RateMyEmployer.ca » ont fait leur apparition. Ces sites permettent à des employés – et surtout à d’ex-employés – d’évaluer leur employeur et de partager leurs commentaires avec les internautes, généralement des chercheurs d’emploi. Les commentaires, qui peuvent être inscrits de façon tout à fait anonyme, sont souvent peu flatteurs. Les employeurs ont ainsi avantage à effectuer une vigie ponctuelle afin de pouvoir corriger le tir si nécessaire. 

Il faut se rendre à l’évidence : les candidats et futurs employés sont sur les médias sociaux. Et vous, y êtes-vous? 

Embauche 

Au-delà de la gestion de l’image, plus d’un employeur sur trois indique qu’il a déjà écarté des candidats en raison de renseignements obtenus sur des médias sociaux. 

Selon un sondage effectué par Reppler, les raisons les plus souvent invoquées par les employeurs sont les suivantes : 

  • Photos ou informations inappropriées (11 %);
  • Contenu indiquant que le candidat consomme de l’alcool ou des substances illicites (9 %);
  • Critiques à l’égard d’un employeur précédent ou d’un collègue de travail (11 %);
  • Faibles aptitudes au niveau de la communication (10 %);
  • Fausses déclarations concernant leurs qualifications (13 %). 

Toutefois, un bémol s’impose. Le fait que plusieurs employeurs utilisent les médias sociaux comme outil de recrutement n’a pas pour effet de rendre cette pratique légale. Ainsi, tout employeur diligent devra s’assurer de respecter les principes suivants : 

  • L’employeur doit normalement recueillir les renseignements personnels concernant le candidat auprès de ce dernier ou auprès de tiers avec son consentement;
  • L’employeur ne peut recueillir que les renseignements personnels qui sont nécessaires aux fins de l’embauche. 

Cela étant dit, rien n’empêchera l’employeur de tenter de recueillir les renseignements personnels concernant le candidat qui sont disponibles au public ou publiés, notamment sur les médias sociaux. 

En principe, le candidat concerné par le renseignement doit consentir, à des fins spécifiques, à la collecte de ses renseignements personnels de façon libre et éclairée. Cependant, on pourrait considérer qu’un consentement est inhérent à certains gestes posés par un utilisateur de médias sociaux qui publie des informations à l’attention de tous. Il ne saurait toutefois être question de faire usage de subterfuges ou de mensonges pour devenir faussement « l’ami » d’un candidat et avoir ainsi accès à de l’information autrement non accessible. 

Par ailleurs, notons que l’employeur ne pourra pas non plus se fier sur une information, peu importe sa provenance, qui entraîne un refus d’embauche pour des motifs prohibés de discrimination (race, couleur, sexe, grossesse, orientation sexuelle, état civil, âge, religion, convictions politiques, langue, origine ethnique, condition sociale, handicap ou l’utilisation d’un moyen pour palier un handicap). 

Mesures disciplinaires et administratives 

Les employeurs peuvent parfois utiliser des éléments de preuve trouvés sur les médias sociaux pour justifier l’imposition de mesures disciplinaires. 

À titre d’exemple, dans la décision Syndicat des employé(es) du Centre Hospitalier de l’Université de Montréal (CSN) c. Centre Hospitalier de l’Université de Montréal (Hôpital Notre-Dame), 2012 CanLII 31164 (QC SAT), l’arbitre Jean Ménard devait se prononcer sur un grief contestant un congédiement. Dans cette affaire, la plaignante avait été victime d’un accident de travail en février 2010. Elle affirmait notamment avoir de la difficulté à tourner la tête et ne pas pouvoir conduire sur de longues distances. 

En août 2010, sa supérieure lui a envoyé une demande d’amitié sur Facebook, que la plaignante a acceptée. La supérieure a ainsi pu accéder à des photos et des vidéos publiées sur la page Facebook de la plaignante où l’on pouvait voir celle-ci dans des postures incompatibles avec les symptômes décrits, notamment en effectuant une longue randonnée en voiture. La plaignante a ainsi été congédiée. 

L’arbitre Ménard a retenu de la preuve présentée par l’employeur que la plaignante avait simulé et exagéré son incapacité afin de continuer de recevoir des indemnités auxquelles elle n’avait pas droit. L’arbitre conclut que la plaignante a émis des déclarations fausses et trompeuses quant à son état de santé, ce qui a eu pour effet de rompre le lien de confiance. Le congédiement a ainsi été maintenu. 

Dans une autre décision, Canada Post Corporation c. Canadian Union of Postal Workers, (2012) C.L.A.D. No. 85, la plaignante, une employée de Postes Canada depuis 31 ans, a été congédiée pour utilisation inappropriée de Facebook. 

L’employeur a ainsi découvert qu’elle avait diffusé sur son compte Facebook des commentaires méprisants et moqueurs envers ses superviseurs et son employeur. Les commentaires avaient été envoyés à plus de 50 amis de la plaignante, incluant des collègues de travail. 

L’arbitre a maintenu le congédiement, puisqu’il considérait que les commentaires diffusés sur Facebook étaient abusifs, intimidants et moqueurs. De plus, la preuve avait démontré que les commentaires diffusés à l’égard des superviseurs avaient causé des torts à ces derniers, qui ont dû s’absenter du travail pour cause de détresse psychologique. 

Selon l’arbitre, la plaignante était responsable de ce qu’elle avait écrit sur Facebook, même si elle croyait que ses propos étaient privés. 

Utilisation d’Internet au bureau 

Il ne fait aucun doute qu’Internet a révolutionné nos pratiques de travail. Il peut nous rendre plus productifs, plus rapides, et rendre des recherches plus précises et exhaustives. 

Mais Internet peut aussi avoir un impact négatif en milieu de travail. 

Une étude effectuée par Olfeo a démontré, en 2013, qu’un salarié passait en moyenne 97 minutes par jour sur le Web, au travail, contre 89 minutes en 2011. En 2012, 59 % du temps passé sur Internet au travail était à des fins non professionnelles. 

Les pertes de temps et de productivité au travail reliées à Internet sont en hausse constante. Cette situation est, entre autres, attribuable à la popularité des téléphones intelligents qui permettent aux employés de consulter Internet, les médias sociaux, ainsi que leurs courriels personnels, discrètement et sans laisser de traces… du moins, en apparence! 

Politique en matière d’utilisation des ressources technologiques 

Plus que jamais, il est essentiel pour les employeurs de se doter d’une politique écrite en matière de sécurité informatique et d’utilisation des technologies de l’information. 

Une telle politique vise notamment à : 

  • Diminuer l’expectative de vie privée des employés alors qu’ils utilisent les systèmes électroniques de l’employeur;
  • Rappeler aux employés qu’ils n’ont pas le droit de consulter Internet à des fins non professionnelles;
  • Rappeler aux employés qu’ils sont responsables des commentaires formulés sur les médias sociaux qui impliquent, directement ou indirectement, l’employeur ou leurs collègues de travail;
  • Prévoir les conséquences d’un manquement aux obligations qui sont énoncées à la politique. 

Afin d’être valide, une politique doit être raisonnable et avoir été portée à la connaissance des employés. 

Internet et les médias sociaux font maintenant partie de la gestion des ressources humaines. Aux entreprises maintenant de s’adapter à cette nouvelle réalité.

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