La Cour suprême du Canada confirme la confidentialité du montant d’un règlement d’un litige

Le 21 juin 2013, la Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Sable Offshore Energy Inc. c. Ameron International Corp., 2013 SCC 371, a rendu une décision concernant la confidentialité des pourparlers de règlements et confirme que la somme négociée est aussi protégée par le privilège relatif aux règlements d’un litige.

Les faits

Sable Offshore Energy inc. (« Sable ») est le promoteur de projets de construction d’installations extracôtières de traitement de gaz en Nouvelle-Écosse, pour lesquels les défendeurs ont fourni différentes composantes. Alléguant que certaines composantes n’étaient pas appropriées pour l’usage auxquelles elles étaient destinées, Sable à entrepris des procédures judiciaires contre les défendeurs.

Dans le cadre du litige, Sable a conclu une entente de règlement de type Pierringer2 avec certains défendeurs seulement (l’« Entente »). En fonction de cette Entente, Sable acceptait notamment d’amender sa réclamation contre les défendeurs n’étant pas partie à l’Entente pour ne leur réclamer que les dommages leur étant attribuables. Toutes les modalités de l’Entente ont été communiquées à ces défendeurs, à l’exception du montant du règlement.

Les défendeurs n’étant pas partie à l’Entente ont alors entrepris une requête afin de forcer la communication du montant du règlement payé à Sabre. Cette dernière a alors fait valoir que ce montant était protégé par le privilège relatif aux règlements d’un litige.

Les jugements des instances inférieures

La Cour suprême de Nouvelle-Écosse a conclu que le montant du règlement était protégé par le privilège relatif aux règlements d’un litige et a rejeté la demande communication formulée3. La Cour a conclu que l’intérêt public est mieux servi si l’on assure la confidentialité du montant du règlement payé.

Cette décision fut renversée par la Cour d’appel de Nouvelle-Écosse, laquelle a ordonné la communication du montant du règlement du litige4. Notamment, la Cour était d’opinion que les défendeurs n’étant pas partie à l’Entente avaient droit d’être informés de la portée réelle de la réclamation formulée contre eux en vertu du droit fondamental à un procès équitable.

La décision de la Cour suprême du Canada

D’entrée de jeu, la Cour indique que le règlement amiable permet aux parties de résoudre leur différend de façon mutuellement satisfaisante sans faire augmenter le coût et la durée d’une poursuite judiciaire pour les parties concernées et le public. Favoriser le règlement constitue une « saine politique judiciaire qui contribue à l’efficacité de l’administration de la justice ».

Les négociations en vue d’un règlement sont protégées depuis longtemps par la règle suivant laquelle sont inadmissibles les communications faite au cours de ces négociations et ne peuvent être dévoilées. Afin de faire exception à cette règle, un défendeur doit démontrer qu’un intérêt public opposé l’emporte sur l’intérêt public à favoriser le règlement amiable.

Également, et alors que les mots « sous toutes réserves » n’ont pas être employés pour que le privilège relatif aux règlements d’un litige s’applique, ce privilège protégera toutes les négociations, qu’une entente soit ultimement conclue ou non.

Ainsi, la Cour mentionne que le montant négocié constitue un élément clef pour des négociations fructueuses et reflète les admissions, offres et compromis faits au cours des échanges. Le montant du règlement d’un litige doit ainsi être protégé par le privilège.

« Puisque la somme négociée constitue un élément clef du « contenu de négociations fructueuses », et reflète les admissions, offres et compromis faits au cours des négociations, elle est elle aussi protégée par le privilège. […] [I]l vaut mieux à mon avis adopter une approche qui favorise avec plus de vigueur le règlement amiable en en protégeant le contenu. »

La Cour mentionnait également que la crainte voulant qu’un défendeur non partie à un règlement soit tenu de payer davantage que sa part des dommages est non fondée. En effet, il est de la nature même des ententes de règlement telle celle en cause que les défendeurs n’y étant pas parties ne pourront être tenus responsables que de leur part des dommages, et ce de façon individuelle, et non solidairement pour la portion des défendeurs ayant réglé.

Et bien que la non divulgation du montant du règlement puisse avoir un impact sur la stratégie de défense des défendeurs n’ayant pas réglé ou les priver d’un avantage tactique, la Cour fut d’opinion que la probabilité de parvenir à un premier règlement à l’amiable diminuera si la somme convenue peut être divulguée.

« Quelqu’un doit faire le premier pas, et l’incitation au premier règlement d’un litige mettant aux prises plusieurs parties mérite clairement une plus grande protection que l’hypothèse conjecturale voulant que d’autres parties n’emboîteront le pas que si elles connaissent la somme convenue. »

La Cour concluait finalement que d’assurer la confidentialité du contenu des pourparlers de règlement et ses résultats offre l’avantage évident de favoriser les règlements à l’amiable, alors que le refus de divulguer le montant convenu dans cette affaire ne cause aucun préjudice corrélatif.

Cette décision est conséquente avec les principes applicables au Québec qui reconnaissent également que les communications échangées dans le cadre de pourparlers de règlement d’un litige sont confidentielles et ne peuvent être introduites en preuve. La décision de la Cour suprême du Canada offre néanmoins un éclairage additionnel sur cet enjeu fondamental et clarifie la portée et l’étendue du privilège relatif aux règlements d’un litige, lequel inclut désormais incontestablement le montant de l’entente de règlement hors Cour.


1 En appel de la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse.
2 Une entente de règlement de type Pierringer est un règlement avec un ou plusieurs défendeurs prévoyant que les autres défendeurs demeureront tenue que pour la portion du préjudice dont ils sont responsables. Au Québec, une telle entente s’assimile à un règlement avec une remise de solidarité.
3 2010 NSSC 473.
4 2011 NSCA 121.

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