La convention unanime des actionnaires : bien plus qu’une simple question de terminologie

L’expression « convention unanime des actionnaires » vous est sans doute familière. Peut-être croyez-vous qu’il s’agit là d’une simple variante terminologique de la « convention d’actionnaires ». Détrompez-vous. Il s’agit en fait d’une convention fort différente. 

La convention unanime des actionnaires (ci-après la « Convention unanime ») a pour but de restreindre ou de retirer, en tout ou en partie, les pouvoirs des administrateurs. Bien plus qu’une simple entente, cette convention permet aux actionnaires de déroger aux règles législatives de régie interne applicables aux sociétés par actions1. Voyons ce que cela signifie. 

Pouvoirs restreints 

Il est tout d’abord permis aux actionnaires de restreindre les pouvoirs des administrateurs. Cette ingérence peut prendre différentes formes, nécessitant ou non l’implication directe des actionnaires dans la gestion de la société. Une première façon de faire consiste à modifier la règle de la majorité pour l’adoption des décisions prises par le conseil d’administration. Concrètement, ceci peut se traduire par la hausse du nombre de voix requises, l’imposition d’une majorité qualifiée ou encore l’attribution d’un droit de veto. Une seconde approche consiste à assujettir les décisions du conseil d’administration à l’approbation préalable des actionnaires. Malgré sa popularité, certains préféreront éviter cette dernière formule qui risque d’occasionner, par sa double instance décisionnelle, des délais plus ou moins longs pour la prise des décisions. 

Illustration : La société INC. est détenue par A, B et C. A détient 80 % des actions avec droit de vote, alors que B et C en détiennent chacun 10 %. Le conseil d’administration est composé de A, B et C. Pour éviter que B et C ne puissent ensemble décider seuls des affaires de la société, il pourrait être convenu d’assujettir l’adoption de certaines décisions importantes au vote favorable de A. De la sorte, A conserverait le contrôle sur ces décisions tout en permettant aux actionnaires minoritaires de s’impliquer dans la gestion quotidienne de la société. 

Pouvoirs retirés 

Le retrait des pouvoirs confère aux actionnaires le droit de retirer et de s’attribuer la totalité ou une partie des pouvoirs habituellement réservés aux administrateurs. Ceci a l’avantage non seulement de permettre aux actionnaires d’exercer un contrôle direct sur les affaires de la société, mais aussi d’engager à l’avance leur vote sur les décisions qu’ils seront appelés à prendre dans l’exercice de ces nouveaux pouvoirs, une pratique interdite aux administrateurs. Sachez toutefois que le retrait des pouvoirs des administrateurs ne se fait pas sans risque. En effet, les actionnaires seront, à compter de la prise d’effet de la Convention unanime, subrogés dans les obligations et les responsabilités des administrateurs. 

Illustration : La société INC. est détenue par A, B et C. A détient 80 % des actions avec droit de vote, alors que B et C en détiennent chacun 10 %. Le conseil d’administration est composé uniquement de A. Pour éviter que A ne décide seul des affaires de la société et plus particulièrement des sujets importants et plus sensibles pour B et C, il pourrait être convenu de retirer les pouvoirs du conseil d’administration sur ces sujets et d’assujettir toute décision à cet égard au vote favorable d’au moins 95 % des actionnaires. De la sorte, B et C bénéficieraient d’un droit de vote sur des questions qui ne leur auraient autrement pas été soumises et pourraient empêcher l’adoption d’une décision donnée en cas de désaccord. 

Nous ne pouvons faire la nomenclature de tous les sujets pouvant être soumis à une convention unanime. Ce choix doit faire l’objet d’une discussion réfléchie entre les actionnaires et dépendra des circonstances et des besoins de chacun. Nous pouvons, néanmoins, citer à titre d’exemples la déclaration et le paiement de dividendes, l’émission d’actions, la nomination des dirigeants et les décisions prises hors du cours normal des affaires. 

Sachez que, pour être valide, la convention unanime doit obligatoirement être signée par tous les actionnaires, détenteurs ou non d’actions avec droit de vote. Outre ses signataires, la convention unanime liera également tout futur actionnaire, à condition toutefois qu’il soit avisé de l’existence d’une telle convention. Une copie de la convention unanime doit être conservée dans les livres de la société et devra être accessible pour consultation par les actionnaires et les créanciers de cette dernière. 

Sachez également que toute convention unanime doit être déclarée au Registraire des entreprises du Québec (le « Registraire »). De plus, si la totalité des pouvoirs ont été retirés aux administrateurs, les nom et domicile des actionnaires devront être inscrits au Registraire en lieu et place des administrateurs. 

En terminant, il est important de savoir qu’une convention unanime prend fin automatiquement si la société devient un émetteur assujetti au sens de la Loi sur les valeurs mobilières ou si la société est fusionnée par voie de fusion ordinaire, sauf indication contraire à la convention de fusion. 

Bien que la conclusion d’une convention unanime puisse paraître de prime abord relativement simple, celle-ci implique de nombreuses considérations. Par conséquent, nous vous invitons à consulter un juriste avant de vous engager aux termes d’une telle entente.


1 La présente concerne les sociétés par actions régies par la Loi sur les sociétés par actions du Québec (L.R.Q. c. S-31.1). Les règles applicables aux sociétés par actions régies par la Loi canadienne sur les sociétés par actions (L.R.C. (1985), ch. C-44) peuvent différer.

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