Institutions financières, le temps est venu de faire valoir vos droits!

L’époque où les institutions financières étaient contraintes de remettre au gouvernement toute somme en leur possession au bénéfice d’une débitrice fiscale insolvable, et ce, sur réception d’un simple avis de paiement des autorités fiscales, est possiblement révolue.

En effet, il est faux de penser qu’aucun moyen de contestation valable ne peut être opposé par l’institution financière qui reçoit une telle demande de paiement, à tout le moins si cette institution financière est elle-même créancière de la débitrice fiscale.

En novembre 2014, la Cour d’appel fédérale a confirmé une décision de la Cour canadienne de l’impôt,1 laquelle accueillait l’appel de la Caisse Desjardins de Québec (« Caisse ») à l’encontre d’une cotisation émise en vertu du paragraphe 317 (3) de la Loi sur la taxe d’accise.

La Caisse avait accordé à la débitrice fiscale une marge de crédit dont les sommes étaient payables à demande. La Couronne, à qui étaient dues des taxes de vente (TPS et TVQ) par la débitrice fiscale, a adressé une demande formelle de paiement à la Caisse en vertu du paragraphe 317 (3) de la Loi sur la taxe d’accise.

Malgré la demande de paiement, la Caisse a refusé de remettre à la Couronne les sommes qu’elle détenait au bénéfice de la débitrice fiscale au motif qu’au moment où elle recevait la demande formelle, les sommes qu’elle devait à la débitrice fiscale s’étaient éteintes par compensation légale. En effet, cette dernière soutenait qu’en vertu du contrat de crédit, les sommes avancées étaient exigibles en tout temps et n’étaient assujetties à aucune contrainte de terme ou de condition d’exigibilité. Ainsi, la dette de la Caisse s’était éteinte en paiement partiel du solde de la marge de crédit, et ce, par l’effet de la compensation.

L’enjeu du débat tournait autour de la condition d’exigibilité, obligatoire pour la mise en œuvre de la compensation légale. La Couronne prétendait que la créance de la Caisse n’était pas exigible au moment de sa demande formelle, et qu’ainsi la compensation entre les dettes réciproques de la Caisse et de la débitrice fiscale ne pouvait lui être opposée.

La Caisse, en opposant la compensation légale au gouvernement, a eu gain de cause et a vu sa cotisation annulée.

À la lueur de cette décision de la Cour d’appel fédérale, on peut conclure que la compensation peut être opposable à la Couronne même à l’encontre d’une demande formelle de paiement en vertu de la Loi sur la taxe d’accise (TPS). Il y a fort à parier que l’enseignement à tirer de cette décision sera également applicable à une demande d’un tiers saisi provenant de l’Agence de revenu du Québec pour la TVQ et même à l’encontre de toute autre créance fiscale.

Avant d’obtempérer à une demande de paiement des autorités fiscales, les institutions financières ont donc intérêt, dorénavant, à vérifier d’abord si la débitrice fiscale n’est pas elle-même endettée auprès d’elle aux termes d’un contrat dont les sommes sont payables à demande.


1 Canada c. Caisse Desjardins de Québec, 2014 CAF 279 ; Caisse populaire Desjardins de Québec c. La Reine, 2013 CCI 376

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