Grève illégale des grutiers : vérité et conséquences

Les grutiers ont finalement repris leur prestation de travail suite à l’ordonnance prononcée par le Tribunal administratif du travail (« TAT ») ce 21 juin dernier. 

Qu’adviendra-t-il des délais et des coûts additionnels occasionnés par ces activités sur les chantiers? 

Dans un article de 2017 intitulé « Grève et retard sur le chantier », nous faisions la revue des principes généraux suivants :

« À moins que le contrat ne prévoie autrement, une grève sera généralement considérée comme un « retard excusable », c’est-à-dire un événement conférant à l’entrepreneur le droit d’obtenir une prolongation du délai d’exécution de l’ouvrage. 

Pour qu’une grève présente les caractéristiques d’un cas de force majeure, l’entrepreneur doit démontrer qu’il n’en est pas responsable, qu’il n’a pu l’anticiper ou en prévenir les conséquences et que l’exécution du contrat dans le délai prévu est impossible. 

Par opposition au « retard compensable » résultant par exemple d’un acte ou d’une omission d’une partie, le retard excusable ne donne toutefois pas droit à une compensation pour les coûts additionnels qui en résultent de part et d’autre. » 

Or, dans ce cas spécifique, le TAT conclut en l’illégalité de l’arrêt de travail concerté des grutiers. D’ailleurs, au moment de rédiger ces lignes, la Commission de la construction du Québec (« CCQ ») a annoncé le dépôt de plus de 150 accusations contre les acteurs responsables.

Ainsi, si ces événements permettaient aux entrepreneurs « non fautifs » de soulever les principes généraux pour obtenir une prolongation de délai sans pénalité ni compensation, se trouvant dans l’impossibilité de prévoir et de résister aux conséquences liées aux actes illégaux des grutiers, ces derniers s’exposent quant à eux à des recours en dommages de la part des divers intervenants tels que les donneurs d’ouvrage, les professionnels et les entrepreneurs « non fautifs ».

Sujet à l’administration d’une preuve prépondérante, les différentes associations syndicales et certains tiers pourraient eux aussi faire face à des recours en dommages pour avoir aidé ou encouragé la violation d’obligations contractuelles par leurs membres.

En conséquence, nous recommandons ce qui suit aux entrepreneurs « non fautifs » :

  • Prendre connaissance des dispositions contractuelles applicables aux projets concernés;
  • Suivre la procédure y étant prévue (par exemple, dans le cas des contrats normalisés du CCDC, formuler une demande d’ajustement du délai d’exécution au maître de l’ouvrage et au professionnel pour le temps perdu par suite de la grève illégale des grutiers, sans compensation);
  • Répondre à toute demande de pénalité ou de compensation de la part d’un tiers en soulevant le caractère imprévisible et irrésistible de la situation;
  • Transmettre des avis de réclamation aux grutiers pour les dommages occasionnés par cet arrêt de travail illicite (incluant les frais généraux de chantier, les autres coûts indirects et les coûts d’impact y afférents);
  • Consulter vos conseillers juridiques afin d’adapter les principes généraux susmentionnés à votre situation.

Nous vous souhaitons du succès dans la reprise de vos chantiers avant vos vacances bien méritées.