Enquête après sinistre : l’obligation pour l’assuré de jouer franc jeu

La loi édicte qu’un assuré a l’obligation, lorsqu’un sinistre survient, de collaborer avec son assureur durant l’enquête, de répondre à ses questions et de l’informer de toutes les circonstances entourant le sinistre1

Elle prévoit également qu’une déclaration mensongère de l’assuré entraîne la déchéance de son droit à l’indemnisation à l’égard du risque auquel se rattache cette déclaration2

Le jugement récent dans l’affaire Anderson c. Intact compagnie d’assurances3 traite de la portée de l’obligation d’un assuré de collaborer avec l’assureur lors de l’enquête après sinistre. 

I. Les faits

En mars 2014, un incendie détruit l’immeuble de Charles Anderson (ci-après le « demandeur »), qui a immigré au Canada comme réfugié dans les années 1990. Ce dernier réclame auprès de son assureur Intact compagnie d’assurances (ci-après la « défenderesse ») l’indemnité d’assurance qu’il estime lui être due en vertu de la police d’assurance. 

Durant l’enquête après sinistre qui s’en suit, plusieurs éléments laissent croire que le demandeur aurait acheté l’immeuble à titre de prête-nom pour le compte de sa mère, de la compagnie qu’il a créée quelques années auparavant, ou pour les deux. Ainsi, l’assureur tente d’obtenir les informations pertinentes afin de déterminer si le demandeur avait l’intérêt d’assurance requis pour assurer l’immeuble. 

L’enquête après sinistre s’échelonne sur près de deux ans, notamment en raison du manque de collaboration du demandeur. Ce dernier est en effet réticent à fournir les informations qu’il sait pertinentes et ses explications demeurent vagues et imprécises. Vu les circonstances, la défenderesse avise le demandeur de son refus de l’indemniser. 

Le demandeur réclame à la défenderesse l’indemnité d’assurance et divers dommages-intérêts totalisant plus de 350 000 $, dont 100 000 $ à titre de dommages compensatoires pour souffrances psychologiques et économiques, étant d’avis que la défenderesse a agi de manière fautive dans le traitement de sa réclamation. 

II. La décision

La Cour supérieure est appelée à déterminer si le demandeur a manqué à son devoir de collaborer avec l’assureur lors de l’enquête après sinistre. Son analyse l’amène à répondre à cette question par l’affirmative. La Cour rejette ainsi l’action du demandeur, étant d’avis que la défenderesse était justifiée de refuser de l’indemniser pour ce motif. 

La Cour, sous la plume du juge Frédéric Bachand, indique qu’un assureur doit faire preuve d’indulgence envers un assuré qui a immigré au Canada et qui est peu familier avec le processus de réclamation. Néanmoins, le juge considère que ce facteur a peu de pertinence en l’espèce puisque le demandeur est un homme instruit qui vit au Canada depuis une vingtaine d’années. 

Le juge conclut que le demandeur a contrevenu à ses obligations de collaboration, de transparence et de franchise et que la défenderesse était fondée de refuser de l’indemniser sur cette base. Alors qu’il savait que les rôles joués par sa mère et sa compagnie étaient au cœur de l’enquête de la défenderesse, le demandeur a omis de donner des informations qu’il connaissait et qui étaient pertinentes pour l’analyse du dossier. 

Le juge rappelle qu’un assuré a l’obligation de collaborer avec l’assureur en lui fournissant les informations, lorsque nécessaire, permettant d’établir les circonstances entourant l’acquisition du bien assuré. Bien que le demandeur ait donné plusieurs informations à la défenderesse, il a néanmoins été réticent à fournir tous les éléments pertinents et a même fait des affirmations qu’il savait fausses. 

Le juge estime que le comportement délibéré du demandeur équivaut à de la mauvaise foi. Il est également d’avis que son manque de collaboration a causé un préjudice à la défenderesse, cette dernière n’ayant pas été en mesure de déterminer si son assuré avait un véritable intérêt d’assurance. Ainsi, les agissements du demandeur ont entraîné la déchéance de son droit à l’indemnité d’assurance. 

Le juge Bachand refuse par ailleurs d’octroyer au demandeur les sommes qu’il réclame à titre de dommages. Il considère que la défenderesse n’a pas agi de mauvaise foi dans le traitement de sa réclamation. Bien qu’il soit d’avis que l’enquête de la défenderesse a été « inhabituellement longue et complexe », il considère que les faits propres au dossier justifient un tel délai. 

* * *

Cette décision confirme le droit d’un assureur de refuser d’indemniser son assuré lorsque celui-ci a fait preuve de mauvaise foi et a fait des déclarations qu’il savait fausses. 

La Cour d’appel a déjà affirmé qu’ « [i]l n’appartient pas à l’assuré de décider si une déclaration de sa part est nécessaire, ni de choisir la façon dont l’assureur mènera son enquête. »4 Ainsi, pour éviter les conséquences fâcheuses reliées à la déchéance de son droit à l’indemnisation, l’assuré a tout intérêt à dévoiler ce qu’il sait et à répondre le plus honnêtement possible aux questions de l’assureur, d’autant plus que le contrat d’assurance exige la plus haute bonne foi des parties.


1 Art. 2471 al. 1 du Code civil du Québec :
« À la demande de l’assureur, l’assuré doit, le plus tôt possible, faire connaître à l’assureur toutes les circonstances entourant le sinistre, y compris sa cause probable, la nature et l’étendue des dommages, l’emplacement du bien, les droits des tiers et les assurances concurrentes; il doit aussi lui fournir les pièces justificatives et attester, sous serment, la véracité des renseignements fournis. »
2 Art. 2472 al. 1 du Code civil du Québec :

« Toute déclaration mensongère entraîne pour son auteur la déchéance de son droit à l’indemnisation à l’égard du risque auquel se rattache ladite déclaration. »
3 2018 QCCS 3171.

4 Intact Assurances inc. c. 9221-2133 Québec inc. (Centre Mécatech), 2015 QCCA 916, par. 17.